Speak & Spell
6.3
Speak & Spell

Album de Depeche Mode (1981)

Une certaine partie des critiques et des fans de Depeche Mode renient ce premier album. Et je ne pense pas que ce soient pour de bonnes raisons. On lui reproche tout d'abord son côté "catchy" et ses mélodies faciles alors que c'est l'essence même de la Pop, en opposition au Rock. En effet, qu'y a t-il de plus populaire musicalement qu'un refrain que l'on pourrait tous reprendre en choeur ? "Just Can't Get Enough" et son fameux gimmick de synthé aura fait le boulot et on peut juger de cette réussite par le fait que le tube ait traversé le temps et soit resté dans l'imaginaire collectif. Une méthode moderne pour mesurer le succès pop d'un morceau consiste à compter le nombre de "covers" sur Youtube. Et c'est loin d'être le seul hymne de "Speak and Spell" !

Un deuxième reproche, un peu facile, qui revient assez souvent, mettrait en cause le caractère cheap, voir dépassé de l'instrumentation. De nos jours, c'est évident, ils ne possédaient pas la puissance des ordinateurs modernes (quoi qu'une flopée d'artistes actuelles s'amusent à reproduire par instrument virtuel les sons que sortaient ces bonnes vieilles machines). Leur production ne dépareille pas en face d'autres productions 80's, même s'il est vrai qu'en cette année de 1981 sortaient des albums synthpop bien plus ambitieux et techniques ("Architecture and Moralty" ou "KomputerWelt" pour citer que les plus connus). On a tendance à pardonner plus facilement le côté rétro de Kraftwerk qui utilisaient pourtant du matériel similaire. Mais l'intelligentsia et ses émules, se confondant et se confortant par un effet de masse, préfèreront toujours défendre un "Wish You Were Here" qu'un "Enola Gay".

L'excellent "New Life" (ainsi que pas mal d'autres passages) semble être d'ailleurs un hommage direct à ces "Man-Machine" allemands. Les notes ouvrant le tube ont des airs de "Ätherwellen / AirWaves" et le rythme donné par les basses du MOOG Prodigy, la boîte à rythme KORG KR-55 et le séquenceur ROLAND MC-4 ressemblent pas mal à un voyage sur l'auto-route ou en train kraftwerkien. On retrouve ces mêmes rythmes dans le titre suivant "Sometimes Wish I Was Dead", légèrement moins bon mais surtout sur "Photographic" où la bande scande leurs paroles à la manière d'un robot, dans une atmosphère tout aussi étrange.

Une dernière reproche récurrente consiste à relever l'aspect gai et léger de la plupart des chansons. Cela est sans doute du à Vince Clark, dont ce sera le seul album en tant que compositeur de Depeche Mode, et qui signe ici neuf titres. Mais est-ce que l'on peut pour autant en vouloir au membre fondateur (avec Andrew Fletcher) de ce groupe culte ? S'il n'avait pas écrit ces tubes si accrocheurs et naïfs, le groupe aurait-il rencontrer quand même le succès qui les a lancé et motivé à continuer ? Et la moyenne d'âge du groupe tournant autour de la vingtaine, est-ce étonnant qu'on ne puisse pas parler directement "d'album de la maturité" ? Il n'y a aucune honte à partager cette joie et cet insouciance, surtout lorsque c'est fait avec tant d'entrain. Dans la trilogie Disco, souvent et descendue composée de "Boys Says Go !", "NoDisco" et "What's Your Name", seule cette dernière fait un peu trop... gay. Et alors ?

Il faut se permettre d'être léger de temps en temps, depuis quand la musique est quelque chose d'obligatoirement sérieux ? Tant que ça le fait bien ! De plus, les mécontents pourront se rattraper sur des morceaux comme "Tora ! Tora ! Tora !", premier morceau composé par Martin Gore ou "Any Second Now", bien plus expérimentaux. Quant à moi, je garde aussi "Puppets", dernier gros tube de l'album, un peu plus sombre qu'un "Just Can't Get Enough" mais au gimmick synthé tout aussi efficace. Un petit bémol peut-être pour "Big Muff", une instrumental qui n'a pas les capacités expérimentales des Kraftwerk et qui en plus, n'est pas accompagné de la prestation vocale de Dave Gahan, certes encore un peu hésitante mais qui fait déjà forte impression.

L'électro a souvent joué un rôle dans l'histoire de la Pop et ce "Speak and Spell" en fera parti de cette histoire, quoi qu'on en pense, car il lancera la carrière d'un grand groupe avec un album à part dans leur discographie qui n'a pas à rougir face à d'autres oeuvres de l'époque. Maintenant que les présentations sont faites, en somme toute (ou trop) sympathique, il est temps de faire plus ample connaissance...
Strangeman57
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Synthpop Rétrospective et Les meilleurs albums de Depeche Mode

Créée

le 8 nov. 2014

Critique lue 620 fois

8 j'aime

Strangeman57

Écrit par

Critique lue 620 fois

8

D'autres avis sur Speak & Spell

Speak & Spell
mysticm0nkey
3

La ringardise fait disque

Salut les loulous ! Nous on s’appelle Depeche Mode et on vous présente la bande-son de notre été, passé en moule-bite jaune fluo, à faire cuire des merguez en nous lissant la moustache. A se...

le 24 mars 2013

4 j'aime

3

Speak & Spell
Venomesque
7

Depeche Mode, chapitre 1 : « Speak and spell » ou la genèse naïve.

Récemment je me suis fait plaisir (certains l’auront constaté) en faisant l’intégrale d’un groupe que je n’affectionnais pas énormément à la base : Muse. Ce qui était génial c’était de redécouvrir la...

le 25 nov. 2016

3 j'aime

Speak & Spell
YynnkK
5

Un point de départ

Comme ça vieillit mal un premier album.. Surtout presque trente ans après sa sortie.. Et pourtant une chose frappe: Le son. J'écoute bien sûr les versions "remasterisées" et il se trouve que c'est...

le 26 oct. 2014

1 j'aime

Du même critique

Discovery
Strangeman57
10

Critique de Discovery par Strangeman57

J'ai découvert Daft Punk à mes dix ans... Non ! J'ai découvert la musique à mes dix ans. C'était en 2001. J'étais parti en classe de neige. Souvenir assez pénible... je n'arrivais pas monter...

le 28 août 2012

45 j'aime

2

New York Melody
Strangeman57
7

Ou comment te vendre une BO...

Au milieu de tout ces block-busters de vacances est sortie ce 30 Juillet (et plutôt bien distribué) "New York Melody", un film qui transcende le genre de la comédie romantique bien plus loin que les...

le 2 août 2014

40 j'aime

3

Nous York
Strangeman57
2

Comédie française cherche humour desespérement... à New York.

Je passerais tout commentaire sur le jeu de mot qui sert de titre et sur la bande-annonce qui sont à l'image du film. Au départ, je ne comptais pas aller le voir, mais UGC illimité et matraquage...

le 8 nov. 2012

33 j'aime

4