Récemment je me suis fait plaisir (certains l’auront constaté) en faisant l’intégrale d’un groupe que je n’affectionnais pas énormément à la base : Muse. Ce qui était génial c’était de redécouvrir la discographie d’un groupe et d’en disséquer les qualités et défauts tel un pseudo-critique possédant un avis plus « objectif » que les fans hardcore ou les éternels détracteurs et en s’élevant au-dessus d’eux en ricanant avec une certaine suffisance. Bon ok mais avec un groupe dont je suis un fan hardcore ça donnerait quoi? Les chroniques dériveraient-elles nécessairement dans des insupportables léchages de fions qui dégoûteraient (ou donneraient envie c’est selon) la plupart des gens du groupe dont il est question? Il fallait que j’en ai le cœur net…et puisque j’ai beaucoup fait référence à Depeche Mode dans mes chroniques sur Muse…le groupe leur pompant allègrement certaines idées sur certains de leurs meilleurs disques…rendons à césar ce qui est à césar et vantons à présent les nombreux mérites d’un groupe considéré comme les dieux de l’électro-rock et comme le groupe qui a fait s’intéresser à la musique le présent chroniqueur : Depeche Mode!
Bon voilà ça c’était le paragraphe mégalo qui explique la relation du chroniqueur au groupe…en l’occurrence il s’agit ici d’une histoire d’amour qui ne me quitte jamais totalement depuis…arf facilement mes 15 ans… Maintenant…qu’on soit « fan » ou pas de Depeche Mode si on s’intéresse à la genèse de ce groupe légendaire il est clair que l’on peut tomber de haut en comparant les premiers pas du groupe et les monuments qui paraîtront dès le milieu des années 80. Depeche Mode en 1981 c’est quoi? Un groupe qui depuis à peu près deux ans à l’aube du décès du punk décide d’utiliser un instrument encore relativement neuf : le synthé! Martin Gore et Andrew Fletcher (qui fût recruté pour jouer de la basse mais il n’en a jamais eu besoin vu leur lubie persistante pour le synthé) sont deux camarades de classe, et Vince Clark un claviériste expérimenté et plus âgé. Ces trois gars constituent alors à l’époque le noyau « dur » d’un groupe de « new wave » naissant et se font nommer à leurs débuts « composition of sound ». C’est en recrutant le grand (enfin petit à l’époque) Dave Gahan au chant à la suite d’une audition, et bluffés par sa reprise de « Heroes » de Bowie que la machine se forme.
Puis le groupe se fait remarquer : un certain Daniel Miller sent un certain potentiel en les voyant jouer dans un petit pub de rien du tout sur leurs petits synthés et les prend sous son aile, il sera alors leur fidèle manager et producteur pour le meilleur comme pour le pire… Dave Gahan opte alors pour « Depeche Mode » lorsqu’on leur demande leur nom de groupe en chopant un magazine de mode français qui passait par là. Bon ça c’est le début…mais après une new wave exclusivement synthétique et bourrée ras la touffe de sonorités 80 ça sonne encore bien aujourd’hui? Depeche Mode était t-il déjà à l’époque un groupe novateur et exceptionnel, ou bien Daniel Miller était-il une sorte de médium spectaculaire? Et bien…sans aller jusqu’à comparer Daniel Miller à Mme Irma…on peut dire que le gars avait une intuition particulièrement développée…car à la réécoute de ce disque le constat est toujours le même : Depeche Mode ne valait pas beaucoup mieux qu’un groupe de new wave lambda de l’époque. Est-ce mauvais ou dépassé pour autant? Pas vraiment!
Tout d’abord il y a les hits…et ça Dieu sait que Depeche Mode même depuis sa plus tendre enfance la plus naïve a toujours été doué pour en produire dans ses albums! « New life » qui ouvre l’album a presque quelque chose d’émouvant avec ses synthés lumineux et hésitants ouvrant progressivement le morceau…c’est bel et bien comme si l’on assistait à la naissance d’une nouvelle vie, d’un nouvel enfant, cet enfant c’est Depeche Mode et il va prendre le relais sur son méchant grand frère punk devenu trop vilain et instable en imposant la new wave aux années 80…genre que les rock-critiques verront comme la bête noire à l’origine de la perdition du rock dans cette décennie. Le morceau est très sympa, rythmé, mélodique, encourageant par sa mélodie, on est immédiatement pris de sympathie pour ce groupe dont on devine la jeunesse mais dont le talent à créer une rythmique sautillante pop à la limite du rock est déjà présent…les refrains sont plutôt accrocheurs! Autre tube qui sert de conclusion au disque (en version remastérisée en tout cas) : « Dreaming of me » sorte de mid-tempo où le synthé mène la danse avec des petits effets bien trouvés et un chant bien en place, la mélodie est efficace sans être instantanément inoubliable. Mais LE chef d’oeuvre du disque sera bien évidemment « Just can’t get enough » un des classiques du groupe et une pièce de choix pour les radios aujourd’hui encore. Sa rythmique ultra catchy, son chant enjoué et percutant, ainsi que ses notes légendaires et bien trouvées légitiment le succès du disque et du groupe à cette époque…malgré un style qui colle très mal à ce que le groupe développera par la suite il faut bien le reconnaître… (« Quand je suis avec toi chérie, je perd la tête, je n’en ai jamais assez, je n’en ai jamais assez… » on est décidément loin des futurs textes profonds et métaphysiques parlant de péché et de repentance hein…).
Pour le reste? Euh…essayons de définir le contenu de la plupart des morceaux du disque de façon très synthétique et avec un effort de rigueur dans l’analyse : « bip bibip bip bibip tût tût tût tutututût tût tût tutututût blop blop blop bloblop!!!! » Voilà vous êtes prévenus si vous avez horreur des synthés je vous déconseille fortement cet album de Depeche Mode qui sans être mauvais (un disque de Depeche Mode mauvais…mwarf!) n’est pas un chef d’oeuvre et donne dans une approche new wave assez linéaire malgré quelques bonnes mélodies naïves mais sympathiques : « What’s your name », « Boys says go! » et « Photographic » qui possède une mélodie lorgnant presque du côté de la cold wave avec son chant à la limite du désincarné.
Bref, le groupe est encore jeune…Dave Gahan du haut de ses 19 ans n’a pas encore la voix qui fera de lui un immense chanteur mais se révèle convaincant avec un timbre légèrement hésitant et une puissance vocale tout juste suffisante pour la musique assez minimaliste qui est proposée ici au final. Et puis niveau ambiance euh…c’est tellement lumineux que ça en est naïf pour ne pas dire niais…l’avantage c’est que loin de vouloir paraître sombre ou torturé comme ça sera le cas bien plus tard le groupe nous renvoi une image sympathique. « Speak and Spell » est donc un album sympa de new wave plutôt bon et relativement agréable à écouter comparé à certains contemporains qui n’ont pas su s’affranchir des limites imposées par ce style comme le groupe aura l’intelligence de le faire et c’est ainsi que Depeche Mode deviendra grand. Reste cet album…la marque d’un groupe sympathique qui veut bien faire et se complaît dans une pop enjouée qui donnera de la joie aux amoureux des années 80 et irritera les autres. Si Martin Gore n’a quasiment rien composé sur cet album (le seul morceau chanté par ce dernier est assez passable d’ailleurs) son talent va être mis à rude épreuve dès l’album suivant…Vince Clark décidant de quitter le groupe pour fonder « Yazoo » avec une ancienne amie de lycée… Le groupe commence à peine son aventure avec énergie et bonne volonté et le voilà en danger…nous verrons dans l’épisode suivant si l’album suivant lui permettra de se sortir de ce mauvais pas…la réponse n’étant pas si évidente que cela…les trois premiers albums du groupe constituant plus à mes yeux des gallons d’essais que de belles œuvres bien abouties…