Qu'un jeune mec de 35 piges se soit taillé une part de lion dans une chasse-gardée stylistique située entre metal et techno vénère, le Breakcore, c'est assez énorme. Igorrr (de Paris) en est à son sixième LP, et a rameuté à chaque foué plus de casseurs de nuques à l'esprit ouvert, désireux de se plonger dans les méandres sonores du tendre loustic.


Faut dire que le son de Igorrr, ça frétille sec, ça groove dans les chaumières du black metal syncopé et déstructuré jusqu'à la moelle, étiré et dyharmonisé à la façon d'un Mr Oizo, dont il partage aussi l'humour fantasque, mais avec cette patte très métallique en plus, cette boulimie pour les air néo-classiques ou folkloriques revisités (orientaux, russes, musette, toutipass !). Bref Igorrr, c'est un peu unique, ça passe ou ça casse, mais en tout cas ça claque.


Alors que "Hallelujah" semblait être un must de sa discographie, Igorrr revient huit ans après rehausser le niveau, au du moins l'égaler, avec ce "Spirituality and Distortion" d'une inspiration féroce, très direct d'approche (Igorrr lui même a dit vouloir pondre un album instinctif et très axé metal infusion). Effectivement, l'ossature est sombre et dynamique, les instruments rock (guitares, batterie) sont nettement plus en avant que les démolitions électroniques de drill and bass. Un côté presque symphonique se fait ressentir par moments, l'album s'offrant certains arrangements orchestraux et choraux vraiment bien foutus (Lost in Introspection).


L'artiste s'offre des guests toujours aussi bien placés (les harsh vocals sur Parpaing, les hallucinations vocales de la fidèle Rïcïnn de Öxxö Xööx, avec qui Igorrr a aussi créé Corpo-Mente). Les titres sont superbement dosés, entre le côté burlesque et épileptique habituel (Camel Dancefloor et Kung Fu Chèvre pour ne citer qu'elles) et des incartades plus sérieuses, plus graves (Himalaya Massive Ritual, Polyphonic Rust) qui innovent vraiment pour le coup. Les inspi baroques sont toujours là, mais une autre facette orientale vient se poser sur plusieurs titres, et confère au tout un dépaysement très frais. Chaque titre vaut le détour et propose une palette d'émotion variée, nichée dans une production vraiment nickel. On oublie la demi-molle de "Savage Sinusoid" sans souci, précédent album sorti en 2017.


Sortir un album aussi solide et sincère venant de la part d'un artiste qui n'a plus rien à prouver, mais tout à risquer, c'est vraiment bon. Igorrr fait encore une fois énormément de bien à notre groove, et continue à être l'un des plus solides ponts entre metal et electro.

FlorianSanfilippo
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste De fraîches flâneries feutrées (top albums 2020 annoté)

Créée

le 7 mai 2020

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