La logique habituelle du Loner, c'est changer radicalement d'ambiance à chaque album. Varier les plaisirs, naviguer entre son ying et son yang. Après une session épurée dans la vieille cabine d'enregistrement de Jack White, on aurait pu s'attendre à une violente escapade en compagnie du Crazy Horse. C'est pourtant un orchestre qui est convoqué pour ce nouveau changement de direction.
Rendez-vous est pris dans les mythiques studios de la Metro-Goldwyn-Mayer, là fut enregistré, entre autres, la bande-originale du Magicien d'Oz. Les meilleurs musiciens d'Hollywood entourent un Neil Young venu avec une collection plutôt classique de morceaux, des histoires de fleurs, de voitures et de nostalgie. La seule nouveauté, c'est que les chansons d'amour ne sont plus destinées à Pegi, avec qui il vient de divorcer, mais à sa nouvelle muse, l'actrice Daryl Hannah. Tout est capturé en live, les micros disposés à l'ancienne pour ne rien manquer de la richesse des orchestrations qui accompagnent la voix fluette du canadien. Pas d'effets, pas d'overbubs, juste des musiciens professionnels qui jouent de la musique professionnelle comme ils l'auraient fait à l'âge d'or d'Hollywood.
"I want to do something like that where we really record what happened, with one point of view and the musicians moved closer and farther away, the way it was done in the past. To me that's a challenge and it's a sound that's unbelievable, and you can't get it any other way". Et c'est un peu problématique parce que le tout sonne drôlement figé, drôlement lisse. Sans énergie. Sans les aspérités que l'on affectionne toujours chez Neil, qui surnageaient même dans des albums aussi cuivrés que l'expérience soul Are You Passionate ? (2002) . Une démarche sincère mais un résultat qui sonne creux.
Pour mieux apprécier ces chansons, on conseillera donc la version deluxe qui contient, sur un deuxième disque, les démos solo enregistrées avec les vieux potes Niko Bolas et Al Schmitt. Neil s'y révèle bien plus émouvant, bien plus touchant et vulnérable. La période de changement qu'il traverse sonne plus juste quand elle ne s'embarrasse pas de grand concept ou d'arrangements trop luxueux. L'harmonica est éclatant sur "Say Hello To Chicago", la voix du vieux militant plus convaincante sur "Who's Gonna Stand Up". Et surtout, il y a ce sublime "Tumbleweed", juste un vieillard fébrile qui fredonne une jolie mélodie avec son fragile ukulélé.
Storytone séduira donc surtout pour ce qu'il n'est pas et reste une expérience inégale. Mais il est chouette de voir le Loner chercher à se renouveler, pour le meilleur et pour le pire. Quitte à nous offrir les deux sur le même disque.