Le chant de la bile noire
Le premier album des bordelais, “Al Azif” sorti il y a deux ans, en avait scotché plus d'un ! Entre black metal atmosphérique et progressif, “post-black”, me souffle t on à l'oreillette. A croire que le fantôme de Lovecraft les aurait choisit pour répandre la prophétie de ses mondes invisibles, terrifiants, tentaculaires. Il est assez courant de voir des groupes faire référence à l'écrivain américain (Celtic Frost, Hypocrisy, Cradle Of Filth, Nile, Massacre etc...) et j'avoue avoir découvert l'auteur grâce à l'album “Altars of madness” de Morbid Angel. L'appropriation (entre autre) du mythe de Cthulhu par THE GREAT OLD ONES pourrait alors passer pour un “gimmick” de plus dans un univers musical déjà saturé des entités Azathoth, Yog-Sothoth, Bal Saggoth (???!!!). La pioche dans l'univers Lovecraftien pour un groupe de metal extrême n'est franchement pas originale. Et pourtant, la relecture qu'en fait TGOO est des plus passionnante, car le groupe semble bien plus s'intéresser à la force créatrice de Lovecraft qu'il puisait de son inadaptation à la vie et de sa haine du monde.
“Tekeli-li” débute alors par “Je ne suis pas fou”, parlé en français. L'ambiance est sourde, le message à la fois assuré et grave, l'auteur a vu quelque chose de “plus effrayant que la mort elle même”... sûr que ce qui va se passer ensuite ne sera pas commun. Avec “Antartica”, les bordelais choisissent alors de nous mettre dans une ambiance très pesante dès le départ... Le riff est massif, soutenu, imposant ! Pas de doute, nous allons en faire l'expérience nous aussi de ses “montagnes hallucinées” et dissonantes. Assez flippant de se retrouver dans la tête de Lovecraft, lui même pétrifié et mélancolique. C'est la promesse d'“Antartica” qui se dévoile au fur et à mesure comme une véritable odyssée tragique avec ses tempêtes et ses accalmies plutôt funestes. Entre black metal apocalyptique et post-rock fievreux, l'hallucination ne fait pourtant que commencer... “The Elder Thing” prolonge la transe. Tout aussi progressif et tourmenté que son prédécesseur, on retient toutefois la force des mélodies abstraites, noyé dans le chaos.
La force du texte en français sur “Awakening” reviendra sur le cauchemar et les visions de l'auteur. Rythmiques doom, voix d'écorché, claviers d'outre tombe sous-mixés pour appuyer là ou ça fait mal. Le titre explose entre mid tempo rageur et mélodies dissonantes, pour une ambiance des plus sombre. Cinquième titre, “The Ascend” déboule comme une tornade typé black metal 90's, entièrement instrumental sans pitié, il s'achève sur quelques très belles notes de guitares acoustiques. Le champ de la bile noire Lovecraftien atteindra son paroxysme sur le dantesque “Behind the mountains” d'une durée de plus de 17 mn, ou le groupe expérimente une narration des plus réussi.
Enregistré et mixé par le fidèle Cyrille Gachet (Year Of No Light), masterisé par AlainDouches (Tombs, Cannibal Corpse, The Dillinger Escape Plan), “Tekeli-li” est un chef d'oeuvre de black metal sombre et atmosphérique. Atteignant des profondeurs insondables, plusieurs écoutes seront donc nécessaire pour qui veut véritablement pénétrer dans cet abysse, à l'image de la superbe pochette signé une fois de plus par Jeff Grimal (chant et guitare).