Shaka Ponk avait fait forte impression en début d’année grâce à The White Pixel Ape, album intrépide et inspiré où, marque d’un groupe en état de grâce, chaque prise de risque faisait mouche. En revanche, ce que l’on ignorait - à moins de suivre assidûment l’actualité du sextet -, c’est que ce disque était destiné à accueillir un petit frère quasiment dans la foulée.
The Black Pixel Ape, dont les compositions sont en réalité antérieures à celles parues quelques mois plus tôt, aspire comme son nom le laisse suggérer à agrémenter d’une touche plus sombre l’œuvre qu’il forme avec l’album présenté quelques lignes au-dessus.
Plus sombre, The Black Pixel Ape l’est bel et bien. Là où son aîné proposait des moments puissants comme d’autres beaucoup plus calmes, ce nouvel album distille une ambiance rock de manière nettement plus uniforme. C’est notamment l’occasion pour les guitares de faire leur retour sur le devant de la scène, au détriment du clavier et autres effets extravagants dont le groupe est habituellement si friand.
La progression de l’album est bien émaillée de chansons aux accents plus pop (The Shell Maid Freak, Time Has Come, Mocks the Party), mais ces dernières, non sans rappeler de grands classiques du groupe (tels que My Name Is Stain), restent totalement en phase avec l’esprit « Shaka ». Dommage que les atmosphères plus fouillées que le groupe avait su capter sur The White Pixel Ape n’aient pas trouvé d’écho chez son pendant obscur.
Pourtant, l’inspiration est présente et Shaka Ponk conserve une personnalité identifiable dès la première écoute, mais le groupe avait su, sur son dernier album, tirer le maximum de son potentiel en incorporant à sa musique (déjà déjantée à la base) une multitude d’arrangements loufoques. Rien de tel ici, les French Monkeys étant revenus à des sonorités plus terre-à-terre. C’est bien là qu’il faut chercher l’unique mais majeur défaut de The Black Pixel Ape.
Car en soi, cet épurement ressemble à s’y méprendre à une régression artistique qui a quelque chose de terriblement frustrant quand on sait de quoi le groupe est capable. Mais, plus encore que les qualités intrinsèques du disque, c’est le fait de publier les différents chapitres d’un unique projet à six mois d’intervalle qui interpelle.
Face un double-album, il n’y eut rien de choquant à retrouver un disque aventureux et un autre plus classique, afin d’instaurer un contraste nécessaire à maintenir - voire relancer - l’intérêt de l’auditeur. Sauf qu’en faisant de ses « Singes Pixelisés » deux œuvres distinctes malgré la solidité du lien qui les unit (il suffit de voir les clins d’œil du second au premier), la formation hexagonale déclenche un inévitable besoin de comparaison. Et celle-ci n’est pas des plus flatteuses pour le dernier venu.
En définitive, et même si ma chronique ne le laisse a priori pas penser, c’est un énième disque de qualité que nous livrent ici les Shaka Ponk. Mais, de par ses puissantes qualités artistiques, le groupe - qui fait désormais partie des ténors de la scène française - nous oblige à être exigeants, surtout depuis la perle qu’il nous a livrée en début d’année. Et, sachant que The Black Pixel Ape lui est inférieur, ce sont les regrets qui dominent à l’heure du bilan. Espérons que ce coup d’arrêt soit simplement la marque d’une période de transition, et non celle d’un essoufflement croissant de l’esprit Shaka Ponk.
64%