5 ans d'attente. C'est peu dire qu'on aura attendu longtemps la sortie du nouveau rejeton d'Iron Maiden. Entre une tournée Maiden England fastidieuse et l'annonce du cancer de Bruce Dickinson... Les fans auront eu leur lot d'émotion fortes! Et pour des raisons évidentes, cet opus a donc été retardé nous parvenant enfin en ce mois de septembre.
Alors à quoi s'attendre? The Final Frontier manquait cruellement de panache. La bonne vieille recette était toujours présente, mais la machine Maiden semblait ronronner. Pas de panique. Selon Steve Harris, l'album sera spontané. Une spontanéité bienfaitrice. L'album ayant en effet été enregistré et composé directement aux studios Guillaume Tell en France, où Brave New World fut conçu.
Quasiment aucune chance de fuites, conditions d'enregistrement live, créativité stimulée... Résultat...
Résultat, The Book of Souls est une vraie belle claque. Un album d'une maestria exemplaire. L'album s'ouvre doucettement par "If Eternity Should Fail" composée uniquement par Bruce Dickinson. Et les frissons sont enfin là, la compo est sombre et épique à la fois. La production est claire et moins pataude que sur The Final Frontier. Le son des guitares est distinct, rayonnant et surtout, tranchant. De même le son de batterie est plus propre (une cymbale ride un peu trop forte cependant?), offrant un son davantage vitaminé.
"Speed of Light" est le morceau-type que Maiden à l'habitude de nous balancer en guise de single. Pas de surprises, rien de transcendant. Juste un titre furieux et heavy qui booste bien plus qu'El Dorado à mon sens. La voix de Bruce a vieilli, mais son chant est globalement maîtrisé.
Passée les premières émotions on arrive au cœur de ce brillant premier disque. Sachez tout de même que The Book of Souls est un double album à la durée faramineuse! Notons que depuis A Matter of Life and Death, les anglais tapent dans le heavy progressif et épique. Il faut s'y faire car c'est le domaine où le Maiden cinquantenaire s'exprime le mieux. Ce premier disque est donc le plus marquant des deux, renfermant de véritables pépites. "The Red & The Black" est de celles-ci. Seule composition made in Steve Harris, elle est un véritable fourre-tout! Longue de 13 minutes, il s'agit d'une fresque typiquement "Harrissienne". A n'en pas douter un morceau qui sera joué en live, merci les "wohohohoho" du refrain. Structurellement, c'est bien ficelé, cohérent. Malgré des sensations de "déjà entendu" et un aspect interminable, la recette fait merveille. Un peu de "Rime of the Ancient Mariner" par là, de "Clansman" par-ci, saupoudrée d'un "Sign of the Cross"... Comment blâmer un morceau dont les meilleurs moments rappellent les plus grandes pièces d'Iron Maiden?
Ce disque se clôture avec, selon moi, le meilleur morceau de l'album. Sur "The Book of Souls" la chanson-titre, le chant de Bruce est impressionnant de maîtrise. Nous sommes en terrain connu avec un début à la "The Legacy" ou "The Talisman". Typique du Maiden de ces dernières années. Ces 3 morceaux pourraient faire une sorte de "trilogie à l'intro acoustique"... Purement épique, avec un riff à la Dio et un refrain magistral. Cela fait plaisir de ne plus se coltiner des refrains ou le nom de la chanson est répété à l'infini... Le morceau se divise en deux parties. Une atmosphère furieuse et entraînante succède à une mélodie lancinante accompagnée du refrain. Époustouflant.
"Death or Glory" ouvre la seconde galette et souffre des mêmes symptômes que les titres directs du groupe depuis 2006: Ils ont du mal à susciter un réel enthousiasme. Il est rassurant d'entendre du Heavy tonitruant, mais ces riffs? Du pilotage automatique. Trop simplistes, trop offensifs, trop évidents... Ne formant finalement que les ombres des classiques du passé. Maiden est trop mûr pour ça mais ces tentatives sont toutefois louables! A propos du passé, l'intro de Wasted Years est UN PEU trop visible sur "Shadows of the Valley"... Attention à l'auto plagiat. Un titre qui fait penser à la fois à Virtual XI et Brave New World, mais peu mémorable...
Vous l'aurez compris, le second disque est moins clinquant. Il renferme cependant 2 bijoux."Tears of A Clown" le premier, inspiré par le suicide de Robin Williams. Un titre mid-tempo, très marqué Hard FM. Ici, l'expérience et la maîtrise des anglais est inattaquable. La mélodie est parfaite, le chant de Bruce dans un registre assez bas est des plus justes. Le solo d'Adrian nous achève dans un de ses grands moments guitaristique.
Nous voilà enfin arrivés au deuxième bijou. LE morceau de bravoure dont tout le monde parle depuis la sortie de l'album. Je veux bien sûr parler de la dernière composition de son chanteur phare: "Empire of the Clouds". Pensez-donc: il faut remonter à Powerslave pour retrouver 2 titres écrits par Bruce Dickinson seul! Nous voilà en face de 18 minutes et bien des choses à dire.
Nouveauté pour la Vierge de Fer avec cet introduction au piano qui commence déjà à nous serrer la gorge. L'histoire du crash du zeppelin R-101 en 1930 va nous être contée par Bruce Dickinson. Ce n'est pas une chanson, mais un documentaire historique mis en scène. De minute en minute, on peut se faire le film de ce récit dans la tête. C'est bien là la force du morceau. Chaque section matérialise distinctement les étapes de ce voyage et sa dramaturgie. La compo est vitaminée par les orchestrations symphoniques. Rarement une chanson n'aura véhiculé tant d'images et procuré autant de sensations fortes. Attention toutefois, quelques petits défauts émergent. On pourra reprocher au groupe, comme d'habitude, certaines longueurs. Et malgré tout, l'impression que ce morceau est inachevé subsiste. Bruce Dickinson avouera d'ailleurs qu'il aurait souhaité un peu plus travailler les parties orchestrales... Mais on ne t'en veux pas cher Bruce!
"The Book of Souls" n'est pas JUSTE un album d'Iron Maiden de plus. Il est tout simplement le digne manifeste de leur savoir-faire. Bluffant dans sa capacité à démontrer que le groupe sait se renouveler 40 après sa création. Et pourtant ce renouveau se puise dans les meilleurs travaux du groupe. En 2015 Iron Maiden donne la leçon au monde du Heavy Metal parce qu'il est le seul à pouvoir le faire. Parce que ce sont les plus grands, et qu'il tient debout. Le plus solide des navires au beau milieu de n'importe quelle tempête. Un grand merci.