Je pense sincèrement que cet album a été conçu comme étant le dernier du Floyd, consciemment ou inconsciemment. Tout est là pour croire ça: Wright est enfin de retour, l'album relate des souvenirs masculins, il y a un discret clin d’œil ironique à Waters, et puis il se termine sur "High Hopes", l' ultime tour de piste que chaque groupe envierait. Après un sérieux revers, Pink Floyd revient enfin, avec un vrai chef d'oeuvre. Rien qu'à la pochette, on voit qu'ils se sont repris, j'adore cette illusion d'optique !
Sur "A Momentary of Reasons", l'album s'ouvrait sur un courant d'eau, peut-être pour rappeler que la production ne se fait plus en studio mais sur péniche. Bon, admettons, chacun son kiff. Là, il s'ouvre sur un bruitage de machinerie progressif. Et puis surgit le clavier majestueux de Wright, celui de "Shine On You Crazy Diamond", il introduit même le son d'un vrai piano (c'est quand même assez rare, si je ne me m'abuse), Gilmour le rejoint avec sa guitare essuyant ses larmes, Mason les rejoint plus tard, mais tout en discrétion... "The Cluster One" a de quoi surprendre, il est surtout planant, mais c'est vraiment beau. Le retour d 'une vrai co-composition au sein du groupe fait plaisir. "What do you want from me " est plus rock. Les paroles, c'est toujours pas ça, c'est clairement pas le truc de Gilmour. Mais la musique est géniale. "Poles Appart" permet au groupe de retrouver un vieil exercice, la chanson acoustique et sociale (mine de rien, le dernier avant était "wish you were here" !). C'est la meilleure ballade à la guitare signée Pink Floyd. D'une douceur rafraîchissante, avec un pont au milieu qui fait penser à une fête foraine, c'est un régal qui rend heureux. Mais le mystique "Marooned" est encore mieux: c'est l'incarnation même du sentiment de l'abandon. Dans la catégorie "thèmes instrumentaux" chez Pink Floyd, il est clairement dans les premières places. Je regrette d'ailleurs que l'introduction, en forme de clin d’œil à l'immense "Echoes", soit trop court... "A Great Day for Freedom" est cul-cul la praline, mais il conserve un charme indéniable. Avec encore un solo de Gilmour. J'espère que vous aimez ça, parce que dans cet album vous allez en bouffer. Parfois, c'est trop, comme sur "Wearing the Inside Out". Le seul vrai intérêt, c'est le retour de Wright au micro, sinon c'est trop long et ça manque sérieusement de punch. "Take it back" rattrape le coup, avec un texte pour une fois pas mal et surtout une musique romanesque à souhait (surtout le milieu instrumental, avec une partition à la guitare géante !). "Coming back to life" poursuit le mouvement, avec sa solennité très soignée. "Keep Talking" tranche, d'un coup la musique devient vraiment sombre. Même si elle est presque anachronique par rapport au reste du disque, elle est brumeuse et magnifique. "Lost for Words" est une chanson subliminale pour Waters. D'ailleurs, son introduction, avec la porte qui claque, fait immédiatement penser à cette époque pas si lointaine où les disques du groupe étaient truffés de bruitages pour servir de transitions... Je la trouve moyenne. Elle a une musicalité cruellement banale.
Et puis, "High Hopes", ma chanson préférée de Pink Floyd, le plus beau solo de guitare au monde de tous les temps dans tout l'univers (sérieux, elle chiale sa gratte, c'est sublime !), un vibrant hommage à la solidarité masculine et à la jeunesse, une musique parfaite, des paroles carrément intelligentes, les musiciens sont au diapason, les 7 minutes passent pour 3, tout est unique sur ce titre... Absolument à écouter, à louper sous aucun prétexte. "High Hopes" est un Monument total. Et c'est le requiem parfait pour un groupe, digne d'un nom comme le leur.
"The Division Bell" est très sous-estimé pour moi. Il est un de leurs meilleurs albums, si on accepte le fait que Pink Floyd est capable d'exister sans Waters, comme il a été capable d'exister sans Barett. C'est aussi la plus belle preuve qu'un groupe, c'est pas qu'une personne devant des musiciens, c'est un travail collectif. Gilmour-Wright-Samson, et Mason en suppléant content. On dirait des enfants: ils ont compris ça qu'au bout de 20 ans. "The Division Bell" est leur disque le plus mature.