The Final Cut
6.1
The Final Cut

Album de Pink Floyd (1983)

"Should we shout, should we scream

What happened to the post war dream?

Oh Maggie, Maggie what did we do?"


The Final Cut, ou le baroud d'honneur de Roger Waters. Le dernier véritable album de Pink Floyd, loin de la guimauve sympathique que proposeront plus tard David Gilmour et ses amis, lors de la controversée reformation. The Final Cut, comme titre c'est assez logique, cela ne peut pas être une coincidence. Tout le monde le savait, c'était la fin.


The Wall a tué ce qui restait du Floyd, déjà fragilisé depuis les affres du succès de The Dark Side Of The Moon. Le génie mégalomaniaque du bassiste Waters a livré ce monumental double-album, déjà chroniqué ici, chef-d'oeuvre boursouflé par la prétention de son auteur, mais couronné tout autour du monde. The Wall aborde différents thèmes qu'affectionne Roger Waters, dont l'absence du père, les cicatrices non-refermées de la Seconde Guerre Mondiale et la montée des extrèmes politiques en Angleterre. C'est la consécration du bassiste en tant que songwriter, au détriment du groupe qu'il a contribué à créer. Dans sa poussée artistique il lasse et laisse ses collègues sur le chemin. Il va même jusqu'à virer Rick Wright pour "insubordination", c'est dire.


Gilmour et Mason s'accrochent, et posent leurs pattes sur The Final Cut, finalement le moins floydien de tous les albums du Floyd. C'est comme une version de The Wall plus travaillée, moins timide sous certains aspects.


C'est un nouveau concept, autour d'un "requiem for the post-war dream", un mirage selon Waters (et pour tout observateur avisé de la situation internationale depuis 1945). Cela peut sembler ennuyeux d'entendre à nouveau Roger pleurer à propos de son papa disparu pendant la guerre, de la situation politique anglaise au début des années 80, du fait que le monde ne tourne pas rond, se fait encore la guerre etc ... mais ça ne l'est pas du tout ! The Final Cut se révèle même être un album bien plus digeste que The Wall. La musique est orchestrale et audacieuse, les partitions de Michael Kamen donnent une réelle saveur tragique à l'ensemble, et ses parties de claviers sont brillamment réussies (car oui, Kamen est engagé à la base pour remplacer Rick Wright, proposant quelque chose d'adéquat mais d'original en même temps).


Le disque est également et surtout un démontage en règle du personnage et de la politique de Margaret Thatcher, à l'époque Première Ministre du Royaume-Uni. Pour la petite histoire, l'enregistrement de l'album débute en 1982, au début de la guerre des Malouines, mascarade orgueilleuse, plus prompte à démontrer la puissance de la vieillissante Royal Navy qu'à effectivement défendre les intérêts anglais, que dénonce farouchement Roger Waters, toujours et encore hanté par la souvenir de la perte de son père, disparu en 1944, à Anzio, Italie. C'est cette guerre aux Malouines qui provoque la création de The Final Cut.


Enregistré à la base sous le titre de travail "Spare Bricks", et conçu comme la bande-son du film d'Alan Parker, The Wall, de 1982, la situation internationale inspire au bassiste de nouvelles chansons, qui donneront finalement ce brûlot anti-guerre que se révèle être le dernier album de Pink Floyd.


Du Floyd en fait, il ne reste rien. The Wall a définitivement assis le monopole de Waters comme tête créative de Pink Floyd, ne laissant quasiment aucun espace d'expression à ses camarades. Cela déplaira fortement à Rick Wright, qui se fera tout bonnement renvoyer par Waters. Par ailleurs, la pochette de The Final Cut atteste également cette situation, puisqu'il s'agit d'un "requiem" de Roger Waters, interprété par Pink Floyd, ou plutôt par ses vestiges.


David Gilmour tente d'abord de travailler avec le bassiste, mais les tensions sont trop fortes. Il se cantonnera à ses guitares et à une partie de chant sur "Not Now John", le single de l'album. Nick Mason, le batteur, est en prise avec un divorce difficile, ce qui explique son implication relative au projet.


Nous tenons ici certains des titres les mieux écrits et les plus désabusés de Pink Floyd, donnant une place importante au piano et à la voix criante de Waters, ainsi qu'aux cordes, sans rendre le tout purement opératique ou acoustique. La progression de "The Hero's Return" est remarquable, tandis que "Your Possible Past" aurait pu en l'état se retrouver sur The Wall. "Not Now John" est brûlante et inventive, et la conclusion "Two Suns In The Sunset", au bruit des voitures passantes, se révèle être un merveilleux point final à cette affaire.


The Final Cut est également et surtout un album mélancolique, comme le démontrent "One Of The Few", et ses arpèges à rapprocher du "Is There Anybody Out There" de l'album précédent, d'une tristesse grise comme le brouillard. La chanson-titre et "The Fletcher Memorial Home" sont deux autres grands moments. Le tout donne un des albums les plus mélodieux du Floyd, recette que va reproduire Waters pour son road movie sonore de 1984, le remarquable The Pros And Cons Of Hitchhiking.


L'album est un succès commercial, mais les critiques sont divisées, à juste titre. Comme tous les albums de la dernière phase du groupe, à partir d'Animals, c'est "ça passe ou ça casse", soit on adore, soit on déteste. Waters est un personnage insupportable, mais disons qu'il le parait plus ou moins en fonction des personnalités. Reste The Final Cut, recueil de chansons dédié à son père, enregistré par un groupe qui n'existait déjà plus. C'est beau, et étonnamment facile d'accès, même si l'on est rebuté par le style de The Wall. On perd définitivement ici l'essence progressive du groupe, travaillant désormais sur le volet plus conceptuel de leur musique.


Pink Floyd se sépare en 1985, puis se reforme en 1987, pour le douteux A Momentary Lapse Of Reason. Pour moi, le Floyd s'arrête en 1983, avec cet album, à la pochette officielle, militaire et poétique, cela empreint tout de même d'une certaine amertume.


The Final Cut, baroud d'honneur des vestiges de Pink Floyd.



The Final Cut, full album


"Your Possible Past"


"The Hero's Return"


"Not Now John"


lyons_pride_
8
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le 11 févr. 2023

Critique lue 51 fois

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