Après un torchon de remix "Recharged" à peine écoutable qui n'aurait jamais dû être, il était grand temps pour Linkin Park de sortir un vrai disque. The Hunting Party (THP) est le sixième album et premier à être entièrement auto-produit par Shinoda et Brad. Je tiens à préciser que j'aime ce groupe depuis leur premier maxi et j'ai toujours suivi avec attention leur carrière, car plutôt que de mourir et disparaitre comme la plupart des groupes de neo-métal de leur époque et au-delà de leur changement de style depuis M2M, le sextuor californien a su grandir et évoluer en sortant des disques qui les poussent hors de leur zone de confort, quitte à laisser un grand nombre de leurs fans des deux premiers albums sur le carreau et je respecte beaucoup cela. Et même si le résultat n'a jamais mis tout le monde d'accord il est important de préciser que Linkin Park possède la fanbase la plus capricieuse et chiante de l'univers.
Le groupe a tout réussi et fait le son qu'il aime depuis toujours. THP ne déroge pas à la règle et marque une fois encore un tournant dans la discographie, car non ce n'est pas vraiment un retour aux sources. L'album a été décrit comme une préquelle de Hybrid Theory mais c'est encore un gros virage et ce disque va ENCORE diviser les fans. Par ailleurs cette façon qu'a LP, de foutre la merde à chaque album en déroutant tout leur auditoire est assez géniale. Il n'y a que deux morceaux qui font écho à leurs précédents efforts: "Wastelands" et "Until It's Gone" qui sont des morceaux classiques dans le style de ce qu'on pouvait entendre sur Meteora. Tout le reste est différent, les nappes électroniques se font beaucoup moins présentes que sur les deux albums précédents (cela dit Joe Hahn n'est pas encore au chômage technique). Les guitares saturées et les riffs mêlés aux enchaînements de chants rappés et criés sont bien là, l'ADN du groupe est présente mais ce qui est fort c'est leur faculté à fusionner divers styles tout en gardant leur propre son...
Le punk old-school fait ainsi son apparition dès le premier morceau de l'album "Keys To The Kingdom" qui annonce la baffe qu'on va se prendre à l'écoute de THP et se retrouve à plusieurs reprises, notamment sur les morceaux "War" avec sa rythmique galopante et ses riffs rapides, ainsi que sur le trèèès SOADesque "Rebellion". Les inspirations sont multiples, il y a très clairement du Bad Religion et du sum41 dans ce disque. Les cris gueulard de Chester, très présent, dont je me demande comment ses pauvres cordes vocales vont tenir sur scène (c'est qu'il approche de la quarantaine le bougre, et commence par moment à montrer quelques signes de faiblesses en live) font mouche à tous les coups. L'ensemble est très dynamique et brut, THP est l'album le plus trashy et ferait presque passer Linkin Park pour un groupe de death-metal sur certains passages, on aimera ou pas mais la fusion des styles est très bien faîte.
"All For Nothing" en featuring avec Page Hamilton d'Helmet est un pur morceau de scène sympathique et même plus encore si on adhère au timbre de voix du chanteur (cependant on remerciera Mike qui fait toute la différence avec ses parties rappées). Beaucoup de gens regrettent la participation dite "anecdotique" de Tom Morello sur "Drawbar"… j'aurais aussi pu pester, si je n'étais pas tombé sous le charme de cet instrumental que je trouve absolument splendide et si bien planante, à l'inverse d'un "Summoning" plutôt vide. À part cela et globalement, aucun morceau n'est réellement mauvais mais chacun aura ses préférences. Les singles "Guilty All The Same" et "Wastlelands" que l'on connaît sont des petites bombes. Le track métalo-trashy-punk "Mark The Graves" est efficace, au même titre que la ballade (plutôt copieuse pour une ballade) de l'album "Final Masquerade" dont j'apprécie particulièrement les lyrics. Enfin, "A Line In The Sand" est dans la lignée des pistes de six minutes en fin d'album et conclut celui-ci d'une bien belle manière ; on remarquera par contre les énormes similitudes dans les riffs avec "Guilty All The Same" et "Victimized" sur Living Things, ce qui n'entache en rien la qualité du morceau, mais qui peut rendre un peu curieux.
THP est un délire, à l'image de certaines séquences en fin de morceaux assez drôles. Véritable melting-pot, Linkin Park nous lâche un disque brut et viscéral extrêmement couillu et taillé pour la scène, donc taillé pour eux. L'album est peut-être moins accessible que les précédents de par son côté trashy punk prononcé, mais la vérité c'est que c'est toujours aussi bon d'avoir affaire à un groupe mainstream talentueux qui sait prendre de tels risques, qui file droit et qui jusqu'à maintenant, demeure toujours increvable...