Voici le sixième album de Genesis couramment considéré comme un des sommets du groupe, si ce n'est LE sommet du groupe ! Au risque de refroidir l'enthousiasme, je vais me permettre d'être plus réservé.
En 1974, le groupe connaît un succès croissant grâce à son précédent album et décide de rapidement se lancer dans l'écriture d'un double album qui contiendrait une histoire complète, à l'instar de Tommy des Who.
Mais là où l'écriture de leur précédente oeuvre semble avoir été le fruit d'un travail collectif, celui-ci connaît un processus plus laborieux avec Peter Gabriel qui se charge de l'ensemble des paroles dédiées exclusivement à l'histoire de Rael, jeune Portoricain de New-York embarqué dans une odyssée fantastique et spirituelle. Le reste de la musique est composé par le reste du groupe. Ce scindement et des problèmes personnels pour certains membres du groupe n'ont pas été sans créer des tensions.
Ces difficultés se ressentent à mes yeux dans cet album où on sent moins l'oeuvre d'un groupe que de plusieurs personnalités. L’enregistrement a par ailleurs été également très fragmenté entre les musiciens. Ça et une production rendant l'ensemble assez froid et distant font que j'ai du mal à considérer cet album comme leur chef-d'oeuvre comparé à Selling England By The Pound.
Techniquement, les musiciens restent excellents notamment Tony Banks et Phil Collins. Même s'il est plus discret, Mike Rutherford offre des parties de basses assez inspirées, tendez l'oreille ! La guitare de Hackett, quant à elle, est encore injustement mise en retrait, c’est dommage. Peter Gabriel se taille la part du lion avec une théâtralité exacerbée et où il use de toute sa voix pour nous transmettre son histoire. Cette théâtralité s’exprime d’autant plus en live où le chanteur y enchaîne les costumes, accompagné de plus de 1000 diapos qui illustrent les différentes atmosphères de l’histoire.
Au niveau des compositions, on y trouve de très bons moments, notamment dans la première partie de l'album (The Lamb Lies Down on Broadway, In the Cage, The Carpet Crawler...) mais aussi des moments plus laborieux (The Waiting room, Ravine) ou plus quelconques (Anyway, Here Comes The Supernatural Anaesthetist, Silent Sorrow In Empty Boats). J’ai également un gros souci avec le final de l’album, It, qui ne me donne pas vraiment l’impression d’une réelle conclusion musical comme ils l’avaient su faire sur Supper’s Ready ou The Musical Box, c’est dommage...
Il est assez amusant de voir que l'aspect progressif de leur musique est largement mis en retrait par rapport aux albums précédents seuls 2 morceaux dépassant les 8 minutes et il est plus fait de place aux ambiances qu'au solo. Le départ de Peter Gabriel n'en est finalement que plus logique semblant vouloir s'éloigner ce style alors que les membres restants y poursuivront leur chemin sur encore 2 albums, revenant à des ambiances musicales plus proches des albums précédents, jusqu'au départ de Steve Hackett en 1977.
Au final, si les musiciens sont vraiment au top et que l'album contient de (très) bonnes choses, sa durée avec des longueurs dans sa deuxième partie et sa froideur font que c'est leur album vers lequel je me tourne le moins de leur période progressive.