The Libertines, c'est l'une des histoires les plus tragiques du rock. Un album qui prend le ton d'une réconciliation (à l'instar du jour où fût prit la photo) alors que ses deux principaux interprêtes sont devenus incapable de s'entendre. Des sessions organisées de force, en partenariat avec Rough Trade et Alan Mc Gee, alors manager, dans l'immeuble des Metropolis Studio (à l'ouest de Londres) au printemps 2004, bouclé et encerclé par la presse à l'affût de chaque incartade pouvant vendre la peau du groupe.
Au fil des jours, c'est toute l'Angleterre, dans ses quotidiens, qui suit le chemin de croix chaotique qu'entament les deux (ex-)amis que sont Junk Do et Carl Barat pour enregistrer leur ultime effort d'entente voué à l'échec. Mc Gee appelle à la barre avocats et gardes du corps afin de séparer les deux leaders qui en viennent aux mains au sein même du studio. Ils sont même amenés à chanter chacun de leur côté puis tour à tour pour dire à quel point la tension atteint des sommets.
Pourtant.. pourtant.. Toujours produit par Mick Jones, The Libertines détient toujours cette grâce qui embrasait le premier album. Non plus juvénile puisque le groupe traverse ses plus sombres heures, mais tirée du chaos, de la destruction ou même de l'auto-destruction dont font preuve les deux leaders. En témoigne que seules 3 à 4 quatres chansons sur les 15 ont été composées pour l'occasion: la majorité étant déjà inscrites sur les Babyshambles Sessions du printemps de l'année précédente et d'autres remontant même à quelques années (Music When The Lights Go Out ou France par exemple). Mais le fait est, et il est indéniable, que malgré leur incapacité criante à de nouveau former le couple de compositeurs de génie qu'ils étaient, l'album ne laisse paraître la moindre trace de rupture.
Si le son des Libertines a changé, c'est qu'il a muri, laissant de côté la grosse saturation et la rage punk d'Up The Bracket, The Libertines fait preuve d'une ingéniosité sans égale pour maquiller cet ultime adieu en une pop approximative tournant rapidement garage. Entre l'électrique Can't Stand Me Now et son solo final d'harmonica, un Don't Be Shy complétement halluciné, la pop mielleuse de What Katie Did (dédiée non pas à Kate Moss comme tout le monde ose le croire mais Katie Lewis, une ex de Doherty), ou quelques brûlots et autres monuments du rock made in Libertines, l'album ne vole pas sa première place dans les ventes britanniques.
Renouant presque avec le rock ravageur du passé (The Saga et son final au piano jubilatoire), oscillant entre la ballade pop romantique (Music When The Lights Go Out déterrée de leur Legs XI pour notre plus grand plaisir), le désordre guitaristique (Tomblands) mais n'oubliant pas le juste milieu (The Man Who Would Be King ou le tonitruant Campaign Of Hate), comme pour le précédent opus, les mots manquent pour tout définir, et rien, non, vraiment aucun titre n'est à jeter. N'oublions pas le "medley" induis par la tracklist à l'ambiance si particulière (de Music When The Lights Go Out jusqu'à la bombe provocatrice d'Arbeit Macht Frei) et ce final intérrogatif What Became Of The Likely Lads ("Que sont devenus les Likely Lads" en vf, clin d'oeil à une vieille série anglaise auxquelle les deux compères s'apparentent) clôturant l'album avant un dernier cadeau caché et laché aux fans à l'ambiance si intimiste: un romantique et somptueux adieu aux larmes, France, lâché par un Barât, rescapé du sabordage et désormais seul maître à bord.