On pourrait découper la discographie d’Eminem de bien différentes façons. Ne prendre que ses trois premiers albums (SSLP, MMLP, Eminem Show) et s’arrêter là en disant qu’il s’agissait de sa meilleure période ou inclure Encore tout en admettant qu’il montrait des premiers signes de faiblesse. On pourrait distinguer deux périodes, celle d’avant son absence de 5 ans et celle d’après son retour. Relapse et Recovery, qu’on les aime ou non, avaient des choses à dire. Eminem s’était retiré dans sa bulle dépressive pleine de somnifère et de xanax, en avait lourdement souffert et avait donné aux deux albums de son retour des textes mémorables écrits dans la sincérité. On pouvait même y voir un concept intéressant, Relapse étant la face sombre de cette période d’enfermement et Recovery le retour à la lumière, la guérison.
The Marshall Mathers LP 2 lui, n’a plus rien à dire. Il est né d’une intention encore jamais vue chez le rappeur, qui est celle de renouer avec ses classiques et d’effectuer un retour aux sources. Étrange quand on connait le fonctionnement d’Eminem, qui n’avait de cesse de fournir des textes nouveaux et inscrits dans l’actualité de sa vie. Il n’avait jamais eu l’envie de revenir en arrière, il laissait les classiques là où ils les avaient laissés, dans leur époque. Les fans pourraient donc être heureux de ce retour aux sources s’il impliquait un retour au son d’origine, à la qualité des premiers opus, ne serait-ce que dans la forme. Malheureusement c’est le contraire qu’il nous propose.
MMLP2 pèche essentiellement dans la production des instrumentales. On sait que le nom de Dr.Dre est noté en tant que producteur exécutif mais que celui-ci n’a rien fait à part surveiller de loin l’organisation du projet. Les vrais producteurs étant Rick Rubin et Eminem lui-même. Je ne sais rien sur Rick Rubin à part qu’il est un grand producteur et qu’on peut retrouver son nom sur beaucoup d’albums rock et rap, de System of a Down à Shakira en passant par Jay-Z. En gros il doit être capable du meilleur comme du pire. Avec cet album il offre un travail souvent à côté de la plaque. Les instrumentales ne sonnent pas Eminem, mais Eminem tente toujours de faire comme si elles lui étaient adaptées et donc nous offre un travail de rappeur plutôt appréciable. En gros, les instrus ne sont jamais bonnes, aucune ne marquent l’auditeur mais Eminem offre un flow énorme. Le meilleur exemple est Rap God, que l’on pourra compter parmi ses titres les plus impressionnants tant son flow est bon, musical, enragé, technique et varié mais où l’instrumentale n’a vraiment rien d’éblouissante. À part ces bonnes basses qui font vibrer les oreilles, les choix des sons et des mélodies se révèlent la plupart du temps médiocres.
C’est vraiment dommage car Eminem est bon. Sur Brainless par exemple, il hache ses phrases et accentue ses rimes avec beaucoup de technique. Il joue sur des allitérations intéressantes et agréables à entendre. Mais l’instru est trop simple, et n’offre au final qu’un morceau banal. Le problème est là, il y a beaucoup de titres que j’apprécie sur cet album, mais jamais complètement. Il y aura toujours un défaut de conception qui fera qu’à terme j’écouterai l’album d’une seule oreille.
Pourtant je placerai cet album facilement devant Recovery. Ce dernier était doté d’une puissante sincérité mais comptait énormément de titres inaudibles ou incroyablement chiants : On Fire, Won’t Back Down, W.T.P, 25 to Life, Almost Famous, You’re Never Over. Alors qu’avec MMLP2 je retrouve un plaisir sur quasiment tous les titres. J’aime particulièrement ceux-là : Legacy, Rap God, Bad Guy, So Much Better, Survival, Berzek, Wicked Ways et Baby.
Au final Marshall Mathers LP 2 est un album qui nous promet de la nostalgie. Tout l’indique, le titre, la pochette, le choix de certains sons avec des clins d’œil ‒bien inutiles ‒dans Bad Guy ou So Far. Mais cette nostalgie ne reste qu’une intention ratée. L’album est loin du classique MMLP et sent à plein nez le manque d’inspiration. Il ne reste qu’une seule chose alors à apprécier. Le travail du rappeur.