Le justement mal aimé
The Soft Parade, quatrième album des Doors, est définitivement le moins bon opus de ce groupe mythique qui tient une place toute particulière dans mon imaginaire. Tout concourrait à un relatif...
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le 4 juin 2012
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Il y a certaines discographies irréprochables dans l'Histoire du rock, et celle des Doors en est un exemple frappant. Le quartet de Los Angeles composé de Jim Morrison (vocals), Robby Krieger (guitar), Ray Manzarek (organ & keyboards) et John Densmore (drums) compte à son actif six excellents albums studios (sans compter les deux disques post Morrison, Other Voices & Full Circle + An American Prayer). Cependant, il faut tout de même avouer qu'un en particulier se détache des autres, non pas par sa médiocrité mais plutôt par sa spécificité au milieu des autres travaux des Doors. Aujourd'hui nous allons parler de The Soft Parade, quatrième album des Portes, sorti le 18 juillet 1969 chez Elektra.
Le groupe est formé en 1965, le récit de l'historique entrevue plagienne de Morrison et Manzarek continue de ravir les oreilles des nostalgiques des sixties, à cette époque où tout semblait possible. Au claviériste et au chanteur se joignent le guitariste et le batteur, habitués du même temple de méditation transcendantale que Manzarek. Morrison, lui, a d'autres formes de méditation. En effet cet adepte de poésie française, de littérature beat et de paradis artificiels se révèle rapidement être un frontman charismatique, et les Doors (d'un ouvrage d'Aldous Huxley venant lui même d'un poème de William Blake) commencent à se faire un nom dans les clubs de L.A., d'abord le London Fog, miteux, puis le mythique Whiskey-A-Go-Go.
C'est Arthur Lee, chanteur de Love, qui convainc Jac Holzman, jeune PDG du jeune label Elektra, de signer le groupe. Il finance d'abord deux albums, puis le contrat est prolongé suite au succès de The Doors, premier cru, notamment son hit qui sera la BO du Summer Of Love de 1967, "Light My Fire". Un deuxième suit, Strange Days, aussi enthousiasmant que le premier, et puis Waiting For The Sun, plus inégal, pointe le bout de son nez.
Le groupe, à ce moment, traverse une phase difficile, Jim Morrison se noyant littéralement dans l'alcool et la drogue, et ses collègues musiciens se retrouvant quelque peu désemparé face à cela. De plus, celui-ci traverse également une mauvaise passe avec le système judiciaire américain. En 1968, lors d'un concert, il rencontre une groupie et vont ensemble dans les douches (suivez mon regard). Un policier les découvre, et après une altercation, ne reconnaissant pas le chanteur, l'asperge de gaz lacrymogène. Morrison monte finalement sur scène, furieux, le spectacle commence puis s'interrompt, Jim se lançant dans une furieuse diatribe contre la police, celle qui pourtant assure la sécurité des toujours agités concerts des Doors. Suivant cela, le Roi Lézard est arrêté pour outrage à agent et un procès a lieu.
C'est dans ce contexte difficile que sera élaboré The Soft Parade. Sa gestation fut longue, très longue pour un album des Doors. En effet, douze mois c'est beaucoup comparé aux six jours qu'ils avaient pris pour enregistrer le premier album, les absences et retards répétés de Morrison n'arrangeant pas cela, menant même à un burn-out pour le batteur John Densmore, qui quitta le groupe une journée avant de revenir le lendemain.
Les absences de Jim Morrison mènent à l'émergence du second songwriter du groupe, celui que l'on oublie souvent, Robby Krieger. En effet, il ne faut pas occulter que certaines des grandes chansons des Doors sont sorties de sa main, "Light My Fire", "Love Me Two Times" ou "Love Her Madly" pour ne citer qu'elles. Son écriture plus classique contraste avec les délires poétiques parfois très ésotériques de Morrison. On peut décemment considérer The Soft Parade comme l'album des Doors de Robby Krieger, il compose quatre titres seul, et en cosigne un avec Jim, "Do It", le reste, le Roi Lézard s'en occupe.
Paul Rothschild, le producteur, émet l'idée d'introduire sur le disque des cordes et des cuivres, chose assez étrange et en fait difficilement pensable pour un album des Portes. Ainsi, The Soft Parade est doté d'une identité sonore plus générique, beaucoup moins particulière que ses prédécesseurs. L'album alterne entre excellence et banalité.
Il y a de superbes titres ici, la chanson-titre par exemple, qui est une véritable odyssée psychédélique, ravira les fans de "The End" ou de "When The Music's Over". De même, "Touch Me", très rythmée, est très efficace dans son genre, malgré la banalité flagrante de ses paroles. Egalement, bien qu'un peu plates, "Shaman's Blues" de Morrison, virevoltante, et "Tell All The People" de Krieger, introduction cuivrée qui a certainement dû surprendre à l'époque les fans du groupe.
Anecdote à propos de "Tell All The People", c'est à cause d'elle que The Soft Parade est le seul album du groupe où toutes les chansons ne sont pas créditées The Doors, à cause d'un vers de Krieger, "get your guns" qui avait déplu à Morrison, refusant que les gens puissent penser qu'il ait écrit cela, en contradiction totale avec ses positions vis-à-vis de la guerre du Vietnam. Cela a causé la séparation des crédits pour ce disque, comme quoi.
Il y a aussi des titres moins réussis, "Easy Ride, "Do It", "Wishful Sinful", et des choses que l'on aurait jamais pu prévoir croiser sur un album des Doors, le countrysant "Runnin' Blue", qui comporte la seule intervention de Krieger au chant de toute l'époque Morrison des Portes.
Bref, en réalité, le bilan de The Soft Parade est assez mitigé sur son tracklisting album. Cependant il faut savoir que les véritables perles de ces séances se trouvent dans ce qui n'a pas été retenu. Parlons par exemple de la fantastique jam-session de une heure intitulée "Rock Is Dead", sorti en pirate dans les années 80, enregistré après une sortie dans un restaurant mexicain, notamment pour sa très bonne introduction "Whiskey, Mystics and Men". C'est purement jouissif, les Doors nous embarquant dans un réel voyage auditif et assez psyché ou bluesy par moments.
Peut être que grâce à cela, si The Soft Parade avait comporté quelques extraits de cette jam, les critiques auraient été plus indulgentes. Car oui! Cet album est unanimement considéré comme le pire album du groupe. Je le considère, à mon sens, plutôt comme leur disque le plus spécial. En effet, aucun autre cru de leur discographie ne ressemble à celui-ci, il est comme qui dirait complètement inédit, une fusion entre les Doors, un chanteur de variétoche de troisième zone et un big band. Il est totalement vrai que certains arrangements ont mal vieilli (les cordes de "Touch Me" par exemple) mais cela donne une saveur, un charme tout particulier à The Soft Parade.
Pour Morrison ensuite les déboires s'enchaîneront (la fameuse accusation d'exhibition non fondée lors du concert de Miami), et les Doors se plongeront à nouveau dans le rock et le blues, d'où sortira l'excellent et très rocailleux Morrison Hotel puis le sommet L.A. Woman, avant la mort du poète américain le 3 juillet 1971 à Paris.
The Soft Parade, la parade molle, ou là où le rock a cru mourir.
Créée
le 13 mars 2022
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