The Wall s'inscrit dans un contexte bien particulier. Il est un album charnière à un moment où le groupe commence à se déliter et où Waters impose progressivement sa patte. Sa patte est à coup sûr la mégalomanie, l'arrogance et l'expérimentation. The Wall est un album fleuve qui prétend raconter, à la manière d'un opéra, une véritable histoire. Et s'il a les qualités indéniables d'un opéra, il en a aussi le côté pompeux et lourd par endroit. Des trouvailles géniales de l'album, de quelques accords en leitmotiv excellents, Waters étale l'album au point qu'il dilue un peu son génie dans la répétition et la longueur. Prétentieux et génial.
Le concept le plus mégalomaniaque et paranoiaque de l'histoire du rock
Waters, assurément, en tient une couche. Probablement le plus dérangé, le plus psychédélique et le plus paranoïaque des membres du groupe (Syd Barreth exclu), il a commencé par proposer deux concepts pour cet album, un concept très personnel qui deviendra plus tard un de ses albums solos et un concept basé sur le rapport entre une star du rock et son public. Selon la légende, Waters aurait eu cette idée lors d'un concert où le comportement du public l'avait profondément choqué et il souhaitait depuis lors, créer une sorte de mur entre le public et les artistes.
De cette idée il a tiré un album qu'il a plus ou moins imposé aux autres. Mais à me demander qui de Waters ou Gilmour porte le plus la patte Pink Floyd, force est de constater que les morceaux que je préfère sont ceux travaillés par Gilmour qui, je trouve, adoucit beaucoup la folie de Waters et fait preuve encore une fois de génie à la guitare.
L'histoire est simple mais remplie de sous-entendus, de textes torturés, de critiques de la guerre et de visions personnelles de Waters (en particulier sur les morceaux retraçant l'enfance du héros de l'histoire, avec sa mère trop aimante et son père mort à la guerre). Le leitmotiv musical est excellent et ponctue les moments où le héros s'isole de plus en plus derrière son mur. Certains moments ressemblent à du n'importe quoi comme la fin de l'album avec ce procès loufoque et caricatural fait par un vers (?!). Et comme dans un opéra on retrouve des moments lyriques, d'émotions ou des moments calmes. On a ainsi Mother, morceau doux et émouvant par exemple. Comme tout opéra, on trouve aussi une ouverture et une fermeture basées sur le même motif musical et annonçant déjà la couleur de l'album. Un album globalement torturé et follement génial, long par moments, criard parfois, et finalement aussi mégalo qu'excellent.
Le concept est multi-support, il est devenu un film, un concert. Le mur est devenu le symbole du groupe, gigantesque, novateur et mégalomaniaque.
Le dernier grand Pink Floyd
Il y a eu un avant et il y a eu un après The Wall. The Wall c'est le dernier "grand" album des Pink Floyd ensemble. C'est aussi déjà le commencement de la fin, avec cette mégalomanie prétentieuse et pompeuse qui annoncent les affres et les problèmes à venir. C'est en tout cas un album d'un groupe au crépuscule de son apogée. Et il en est que plus touchant, que plus puissant.
Que retenir de cet album ? Le thème musical principal, absolument génial, lancinant et répétitif. Un thème très dur, très métallique et violent. On retient aussi les morceaux de bravoures de Gilmour sur Confortably Numb et ce qui est, selon moi, son plus grand solo à la guitare. On retient la montée en puissance de Another Brick in the Wall, en trois parties qui permet de renforcer la dramaturgie. On retient enfin la variété musicale sur certains morceaux, la ballade de Mother, la folie de Run like hell, la marche militaire de Waiting for the worms. Assurément, The Wall est un album légendaire, à la fois trop génial et trop long, à la fois parfait et excessif, intimiste parfois et pompeux à d'autres moments. Il est le témoin idéal de l'histoire du groupe et de ses déboires. Il est une fin et un commencement d'une nouvelle ère à laquelle les Pink Floyd ne survivront pas. Magistral et crépusculaire.