Chris Clark louvoie seul à bord de son voilier galactique. Il croise les étoiles, affronte les astéroïdes, bref il défie l'espace. Immenses chambres d'échos, mélodies déstructurées et beats puissants ont toujours composé la Sainte Trinité de sa musique. On le sait inspiré de certains grands noms de l'électronique, Aphex Twin en tête, mais cela fait désormais longtemps que Chris Clark s'est détaché avec brio de ces chaînes pesantes et un peu trop voyantes.
Et depuis le superbe Body Riddle (2006), l'anglais semble être devenu intouchable. Totems Flare, s'il ne met pas mettre un terme à cette immunité, ne nous surprend toutefois pas, pour la première fois de sa carrière.
S'ensuit donc le rituel habituel du petit prince de l'électro, entre sons cristallins sur coulis d'ultra basses fréquences, rythmes enflammés et virements de bord mélodiques ahurissants. Le résultat est comme à son habitude assez insaisissable au premier abord, et ce n'est qu'une fois les compositions adoptées qu'on se laisse emporter par l'audace du compositeur.
Les chansons de Chris Clark restent plus intellectuelles que viscérales. C'est plus vrai que jamais sur ce Totems Flare qui laisse peu de place aux émotions directes (si ce ne sont les superbes "Suns Of Temper" et "Absence" qui clôturent le disque). En ce sens, on pourrait même dire que les albums de l'anglais sont autant d'antithèses au rock'n roll tel qu'on l'imagine souvent: direct, imparfait, instinctif, sale...
La musique de l'anglais est donc assez ingrate: elle diffuse ses parcelles de bonheur avec parcimonie, au cœur de labyrinthes soniques déstabilisants. Ainsi, on parcourt le cerveau de Clark en voyageur actif; on absorbe les sons, on les digère, les analyse, et parfois on se surprend à vibrer quand on saisit. On apprivoise.