Après avoir ouï maints et maints éloges adressés à Laylow, nouvelle sensation du rap game fr, je me suis enfin décidée à écouter TRINITY. Ne m'étant alors jusque là jamais vraiment penchée sur le personnage de Laylow, voilà que je découvre un personnage charismatique au flow complexe et intéressant, ainsi qu'un jeu d'acteur ensorcelant face auquel il est difficile ne pas succomber. Avec son flow et sa voix torturée, Laylow a su s'octroyer un rôle de taille sur la scène du rap français. Je n'ai donc pas mis beaucoup de temps à comprendre ce qui a poussé les amateurs de rap à la consécration de TRINITY. Dans son album, Laylow a su habilement jouer du story-telling, comme nous l'avons vu avec JVLIVS d'SCH et L.E.V de Nekfeu. Cette tendance à vouloir "raconter une histoire" vers laquelle penchent de plus en plus un bon nombre de rappeurs français est intéressante dans le sens où elle permet à ces derniers de renforcer leur identité en invitant leurs auditeurs à les rattacher à un univers spatio-temporel plus ou moins défini : ambiance baroque et mafia italienne pour SCH, milieu interstellaire et corps célestes pour Nekfeu, matrices et horizons digitaux pour Laylow ... Les fans de Laylow aiment à effectuer des analogies entre TRINITY et des œuvres cinématographiques : Her, Matrix, Ghost in the shell ... Et nombreux sont ceux qui troquent le mot "album" pour "film" quand il est fait mention de l'album de Laylow, ce qui ne va pas sans nous rappeler l'engouement pour le documentaire Les étoiles vagabondes de Nekfeu que l'on avait qualifié de même de coup de génie. Il faut dire que l'univers de Laylow est avant tout visuel : ses clips font appels à une palette de couleurs et d'effets soignés et singuliers. Quant à cette dimension cinématographique, nous la retrouvons clairement dans le titre ... DE BÂTARD, une histoire à quatre voix nous étant contée. La plume crue et satirique de Laylow témoigne d'un engagement palpable, à la croisée du rap conscient d'antan et des enjeux soulevés par le rap actuel. L'univers de Laylow nous semble ainsi intemporel, oscillant entre tradition et modernité. Piranha Baby est à mes yeux le titre qui reflète le mieux le caractère polymorphe de la voix de Laylow, ce dernier réalisant une véritable performance vocale en jouant tantôt d'une voix rauque tantôt d'une voix stridente, en passant par le mumble rap et l'auto-tune. Par ailleurs, j'adresse une mention spéciale aux beatmakers sans qui l'atmosphère se dégageant de l'album ne serait pas ce qu'elle est, soit inquiétante et bestiale. Bien que des titres tels que Megatron peuvent paraître hermétiques et inaudibles, nous ne pouvons nier le fait que Laylow excelle dans l'art de l'expérimentation, son rap étant novateur et sa matrice ayant bien déteint sur nos esprits ...
Mais si Laylow excelle sur la forme, il en oublie parfois le fond. En effet, je n'ai pas retrouvé ce souci de qualité et de profondeur tout au long de l'album en ce qui concerne les textes et la musicalité des titres (je pense notamment à Longue vie, Plug ou Logiciel triste). Je ne me risquerais pas tellement à qualifier ces sons de mauvais en soi mais leur légèreté textuelle contraste avec le réalisme cru dont Laylow nous a fait la prestation précédemment et pour ma part, ce contraste n'est en aucun point justifié. Si certains y voient un point fort, soit la marque d'un album hétérogène, j'y vois une faiblesse. Certains albums ont su brillamment relever le défi de la diversité musicale comme TRAP$TAR 2 de Leto ou encore BLO de 13 Block sans parler de Nekfeu qui excelle lui aussi dans ce domaine, mais Laylow ne semble pas parvenir à réussir ce pari, pari qui rappelons-le est particulièrement difficile à relever. Je suis donc persuadée que Laylow rayonnerait plus en œuvrant à un album uniforme plutôt qu'à un album complexe mais inégal en matière de qualité et de musicalité des titres. Dans les critiques et commentaires que j'ai pu lire jusque là, les auditeurs semblent avant tout conquis par l'univers visuel et narratif de Laylow mais qu'en est-il de l'essence musicale de l'album ? C'est là que nous pouvons faire le rapprochement avec un classique tel que Cyborg de Nekfeu qui a su parfaitement allier la forme à la profondeur, d'où le fait que cet album résonne toujours dans nos esprits à ce jour. Je rejoins sur le point suivant la critique de tim_savvv : "Laylow pousse son idée jusqu'à son paroxysme, peut-être trop loin. À mon avis, l'album est trop romancé et à beaucoup de moments j'ai envie que la voix féminine métallique qui s'occupe des skits la ferme un peu pour qu'on se concentre uniquement sur le côté musical de ce projet.". Bien que le concept développé par Laylow soit novateur et mené avec finesse, il ne faut pas oublier que le rap est avant tout un art qui s'écoute. Mais Laylow n'en est encore qu'à ses débuts et il lui reste tout le temps de perfectionner son univers sur le fond et non plus seulement sur la forme, puisque c'est là que se concentre à ce jour le talent du rappeur.