L’heure de la maturité a sonné.
Oubliés la turbulente adolescence, les cheveux et riffs gras, le blues sale et les futals troués, la bière à deux sous et les harmonies naissantes.
Le blues délaisse le rock, se teinte d’une pop cristalline, éthérée, quasi-miraculeuse en ces temps austères.
Adieu les deux copains solitaires, la famille s’agrandit, Danger Mouse pose sa petite patte partout, influence sans s’imposer, harmonise sans dénaturer. Tous en chœur, Dan Auerbach mène la danse mais rassemble, s’entoure, assouplit son phrasé et s’adjoint d’aguicheuses présences féminines.
Un regard, nostalgique et assumé, sur le glorieux passé d’une musique aux multiples ramifications. Psychédélisme et hyppisme seventies sont partout, cohabitant avec d’improbables beats discos. Choquant mais enivrant.
Vendus ?
Esclaves des majors ?
Non. Gardez votre fiel, serpents. La démarche est d’une sincérité à toute épreuve. La passion suinte par tous les pores de cet album. Sous les chœurs aguicheurs et les synthés concupiscents, une vraie démarche artistique est à l’œuvre.
C’est grand (Weight of love, In time), c’est beau (Turn blue, 10 lovers) mais hélas parfois anecdotique (It’s up to you now, Gotta get away).
Preuve que le changement était vital, Gotta get away, blues fondateur aux relents de Thickfreakness, est d’une pale fadeur et n’apporte que désappointement et dégoût, triste conclusion en demi-teinte d’une galette qui méritait une meilleure sortie.
Décollage sur les chapeaux de roues d’une nouvelle ère aux horizons infinis, le bien nommé Turn Blue abandonnera une vaste frange de son public au bord de l’autoroute, laissés pour compte et trahis.
Tout est possible à présent, le pire comme le meilleur, à l’image de cet album inégal mais profondément sincère et courageux.
Nul ne sait de quoi sera fait l’avenir des Black Keys et c’est finalement leur plus grand talent.