Il est inutile d'essayer ne serait-ce que de décrire l'euphorie dans laquelle l'album est sorti le 14 octobre. Ici des éloges, là des félicitations de toute part, et là encore des ventes exceptionnelles pour un groupe de la sorte, Rough Trade est aux anges. Le réveil de l'Angleterre et sa jeunesse par l'avénement des Libertines et l'enterrement de la brit-pop. Après des années d'errance dans quelques Oasis, Suede ou Blur, les Libertines tapent dans la ruche pop un Up The Bracket bien senti.
Produit par le légendaire guitariste des Clash, Mick Jones, donnant plus d'agressivité et de tranchant au son du groupe arrivé pas tout à fait à maturité mais bénéficiant de la grâce et l'insouciance juvénile, le groupe sort coup sur coup, titre sur titre, des singles en puissance mais aussi, des bombes prêtes à exploser dans tout Londres. Entre la pop nerveuse de Time For Heroes, la rage déployée dans cet Horrorshow ou ce Boy Looked At Johnny, point culminant de la désinvolture du Doherty, l'album ne fait pas dans la demie teinte. Brouillon, sale et à la fois terriblement fascinant, les Libertines sortent (ou ressortent) de leur sac quelques pépites comme la fiévreuse Death On The Stairs, le solide Begging, l'enivrante Good Old Days avant de terminer sur ce brûlot incontrôlable (ré-enregistré plus rapidement pour l'occasion naturellement) d'I Get Along chanté par un Carl Barat inébranlable dans sa transe, au bord du coma éthylique et jubilatoire lors de son triomphant "Fuck'em".
Les mots ne suffisent pas à décrire toute la fureur et la passion renfermées dans cet Up The Bracket. Alliant tantôt le punk/rock approximatif des Clash, le lyrisme et la poésie des Smiths ou des Kinks au romantisme des grands auteurs des siècles passés, les Libertines sortaient là un album imagé par la culture populaire anglaise, désordonné et poétique, vintage mais redoutablement moderne, le tout terriblement efficace, mené par ses deux leaders au sommet de leur forme.