"Crazy, bipolar, antisemite, and I'm still the King". Ainsi s'ouvre KING, le dernier titre de Vultures 1, dernier album en date de Kanye (et Ty Dolla $ign).
En quelques mots, Kanye lève le voile sur toute l’ambiguïté que suscite désormais sa production. Doigt d'honneur aux haters et baiser de la mort aux fans, ces quelques mots viennent éclairer un album imparfait, loin de ses meilleures références, et pourtant si familier et efficace par certains aspects.
Côté prod le son de Kanye s'est désormais installé dans une esthétique reconnaissable. Depuis TLOP (et même Yeezus), on est habitué des ambiances à la fois chaotiques et éthérées gavées à la réverb' de cathédrale et aux choeurs grandiloquents posés des drums house proéminents. La voix est autotunée, parfois à la limite de la désincarnation, et la technique vocale volontairement imparfaite mais les mélodies chargées d'émotions nous ramènent toujours. Une attention toute particulière semble avoir été portée au morceau BEG FORGIVENESS (feat. Chris Brown, tiens tiens), dont les choeurs de sinistres pénitents scandent "Demande pardon" aux protagonistes.
Côté rap, il semble que Kanye n'ait plus vraiment pour ambition de donner le meilleur de lui même (malgré quelques jolis moves sur Keys to my Life, Vultures,, ou Burn où Kanye se demande qui n'est pas diverti par ses maux, et qui n'a pas encore fait un billet sur son dos) et un solide casting de featuring assure l'intendance. Ici, une digression s'impose.
Vultures 1 fournit une preuve de plus que la cancel culture ne marche pas. En tout cas pas pour les gros. Freddie Gibs, Carti, Durk, Timbaland ou encore Quavo, sans même parler de Ty Dolla $ign (qui fait correctement le job et n'est jamais le maillon faible des morceaux) ont tous accouru pour participer au projet de Kanye, le1er à sortir après ses déclarations les plus choquantes à ce jour. Même JPEG MAFIA, producteur pourtant connu pour son engagement à gauche met à la main à la pâte Les chiffres de stream ne mentent pas non plus, tout le monde attendait le retour du natif d'Atlanta.
Et pourtant, tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes. Il y a quelque chose de terni et de corrompu autour de Vultures. Ce quelque chose c'est le contexte, qu'on essaie tant bien que mal d'ignorer pour profiter de la musique.
Paradoxalement, ce contexte, qui plane au dessus de nous comme le vautour nonchalant attendant que le tumulte du champ de bataille cesse, est aussi ce qui fait qu'on s'investit dans un album qui, objectivement, n'est pas un des meilleurs de Kanye. On attend le dérapage, on attend la rédemption, et on prend un plaisir coupable en espérant que Kanye nous reviendra immaculé parce qu'au fond, malgré tout, on a toujours envie qu'il soit le roi.