Après deux albums tutoyant la perfection, The Doors tentent de donner un écrin à « Celebration Of The Lizard », longue pièce poétique sur laquelle ils travaillent depuis un moment et avec laquelle ils espèrent trouver un nouvel équivalent à « The End ». Ils ne parviennent malheureusement pas à achever leur projet et doivent donc composer un album de substitution, Waiting For The Sun. On pourrait alors craindre que l’absence du morceau central entraîne un déséquilibre, et il est vrai que son ombre se fait ressentir, surtout après avoir écouté les ébauches enregistrées par le groupe, mais ce manque ne porte pourtant pas atteinte à la qualité de l’album. En effet, peut-être plus encore que dans leurs deux œuvres précédentes, The Doors varient les genres et continuent de composer des chansons totalement abouties. La voix de Jim Morrison fait toujours autant effet et exprime un lyrisme séduisant, dans des ballades comme « Yes, The River Knows », « Wintertime Love » ou « Summer’s Almost Gone », ou de la hargne féroce, dans « Hello, I Love You », « We Could Be So Good Together » et « Five To One », morceaux comme le groupe sait en écrire par dizaines et qui fonctionnent encore une fois parfaitement grâce au son unique que les musiciens délivrent.
Seul extrait rescapé de « Celebration Of The Lizard », « Not To Touch The Earth » apporte le côté mystique nécessaire à un album des Doors et s’inscrit même comme une de leurs plus grandes réussites, grâce au rythme hypnotique qui lui confère son animalité. Mais le sommet de l’œuvre est sans doute situé en son centre, où quatre titres très différents se côtoient tout en se valant par la perfection. On passe ainsi d’émerveillement en émerveillement quand se succèdent la mélodie enjouée de « Wintertime Love », la décharge colérique de « The Unknown Soldier », le lyrisme hispanique de « Spanish Caravan » et les rythmes tribaux lancinants de « My Wild Love ».
En définitive, Waiting For The Sun n’a rien à envier à ses deux prédécesseurs malgré la défaite des ambitions du projet initial : il renferme son lot de trésors et ouvre même le groupe vers de nouveaux horizons musicaux.