Janvier 1972 - A Derry, en Irlande du Nord, des manifestants pacifiques, essuient des tirs, dont certains étaient mortels, de l'armée britannique. Ces derniers réclamaient le respect des droits civiques en Irlande du Nord et la fin des pratiques discriminatoires des pouvoirs locaux envers les catholiques au niveau politique, social et économique. 15 victimes seront à déplorer.
1982 - Aux Etats-Unis et en Europe, U2 est un nom vaguement familier, s'il n'est pas complètement inconnu.
Février 1983 - Le troisième album du groupe est sortie.
Difficile exercice que sera cette partie de la rétrospective, il s'agit là de revenir sur un monument et icône du PopRock / Rock des années 80'. Encore aujourd'hui, la première identification du groupe par les non initiés se fera par cet album. Sachez cependant que la popularité entraine l'impopularité, et si War fait l'unanimité dans la majorité de l'auditoire occidental, ce n'est pas forcément le cas dans sa région natale. Le conflit de l'Irlande Nord-Sud n'étant pas totalement apaisé, certains y voit la voix de la raison, tandis que d'autres préfère y voir une provocation politique.
Ce n'est pas un orchestre militaire que l'on entend, mais bien la batterie de Larry Mullen Jr., en guise d'ouverture d'album. "On a beaucoup parlé de la prochaine chanson. Peut être un peu trop.", dira Bono durant leurs prochains live.
"Sunday Bloody Sunday" fait référence aux événements tragique qui occupe l'Irlande du Nord depuis bien trop longtemps. Un morceau coup de poing envers le terrorisme et les politiques extrémistes. Si monsieur McCartney et monsieur Lennon ont déjà offert leur vision des événements avec "Give The Irland Back to the Irish" pour l'un et "Sunday Bloody Sunday" pour l'autre, ici, le groupe compose un chant et hymne pour une guerre pacifiste. La mise en évidence de l'absurdité d'affrontements quelconques : "There's many lost, but tell me who has won ?", ainsi que le cri de guerre et de douleur d'un peuple, au mieux témoin, au pire victime : "No More !", répété de nombreuses fois dans la chanson, offre au monde une voix internationale, rêvant d'un monde plus calme. Le tour de force du titre (et de l'album) sera cette phrase "How long must we sing this song ?". Tout ici appel a une tristesse infini de l'auteur et de l'auditoire que se risquerait à chanter avec lui. Bono fait le souhait de ne plus avoir à faire le tour du monde pour rappeler ses mots, et ce depuis 34 ans...
Durant les lives de l'époque, le chanteur brandira un drapeau blanc. Un drapeau "délavé de toute couleur" selon ses dires.
Une fois n'est pas coutume (et cela deviendra une habitude), on se moque des grandes puissances dans ce deuxième morceau, "Seconds". Il chante l'histoire d'un pays qui s'attaque à plus faible que lui, et qui demandera de danser en son nom, alors que celui ci ne doit pas la danse à sa culture mais à celle du pays qu'il attaque. La basse, actrice principale ici, vaudra au titre une expérience hors du lot de l'album.
Et après avoir laissé sa chance à la basse, celle ci sera accompagné d'un piano pour "New Year's Day. L'instrument à corde frappé, expérimenté dans October, créera la deuxième chanson iconique de ce disque. Principalement écrite pour rendre hommage à Lech Walesa, un leader syndicaliste polonais emprisonné en 1981, celle ci sera encore chanter en coeur de nos jours. The Edge, à qui on confie la tâche Guitare/Piano, maitrise les transitions entre solo distortionné et arpèges lyriques. Les paroles évoque une utopie politique et sociale, où chacun saurait s'entendre avec son voisin, de quartier comme territorial.
Dans le morceau, on entend : "Under a blood red Sky", titre d'un album live qui sortira 9 mois plus tard, regroupant les tubes de leurs trois premières créations.
La portée biblique du groupe n'est plus à prouver. Même si la confirmation gospel/chorale se fera pour The Joshua Tree, "Drowning Man" donne un avant goût de la messe selon U2. Basé sur [Ésaïe : Verset 40], la chanson invite à l'espoir et à la foi : "If you can I'll cross
The sky for your love." - "The storms will pass." - "Hold on, hold on tightly.". La discrète batterie de Larry laisse place à une guitare tantôt céleste tantôt secouée. Les irlandais s'essayent au choeur, chose qui reviendra de nombreuses fois dans la carrière.
Grosse surprise qu'aura été cette nouvelle écoute de l'album, "The Refugee" impressionne part sa créativité et sa portée de mouvement social. C'est une batterie primitive, vide de moyen qui accompagnera les cris d'un groupe et d'un peuple en colère. Bono crache sur la fausse promesse de l'Amérique idéalisée. Car, pendant que certains se battent, les autres, qui subissent les dommages collatéraux sont envoyés en cette terre promise. A l'image du morceau précédent, on a ici une oeuvre qui s'apprécie dans son ensemble, au delà de toute analyse technique ou parolière que je puisse faire.
Terminer un album relève du défi, pour tout artiste. "40" donne un sens... à une chanson (Sunday Bloody Sunday), au pouvoir des mots, à un titre culte, à un album, à un groupe de musique né de rien. Bono exprime l'inspiration au sens le plus pur, la capacité d'une inspiration pour donner une chanson, la capacité d'une chanson à rendre hommage à cette inspiration. Le chanteur remerciera le seigneur de lui avoir offert les mots, et lui demandera en retour : "How long ?". Une fois de plus sans réponse, l'artiste se devra de rappeler les mots de la première piste, une relance astucieuse pour un petit rewind du disque.
"40" est une ballade éternelle, offerte par l'éternel en personne.
En Irlande du Nord, de 1969 à 2003, il y a eu 36 923 fusillades, 16 209 attentats ou tentatives d'attentats à la bombe, 2 225 incendies ou tentatives d'incendies volontaires. Entre 1972 et 2003, 19 605 personnes sont mises en examen sur une charge de terrorisme
En ces temps de terreurs que nous vivons, l'immortel U2 appel à la tolérance. Tantôt décrié, tantôt considéré mainstream, le groupe reste à ce jour une voix unie, uniforme, imperturbable. Une carrière, une ambition et une inspiration qui se doit d'être respectée, tant elle regroupe et rassemble depuis 3 décennies...
... et je l'espère, pour le restant de mes jours.