J'aime beaucoup Muse. Je les ai vu sur scène pendant le Drones Tour après quelques années à explorer leur discographie, et je les avais même suivi volontiers dans leur délire Synthwave qui frôle avec le mauvais goût pour l'album précédent, Simulation Theory. Un disque que je réécoute finalement assez peu mais qui m'avait agréablement surpris alors que je n'attendais plus rien de notre cher trio britannique.
Pour ce retour en 2022, Matthew Bellamy s'est inspiré des années un peu étranges qu'on vit depuis 2020. Entre la crise du COVID, les émeutes du mouvement Black Lives Matter et l'invasion du Capitole aux États-Unis, les effets du réchauffement climatique plus visibles que jamais et la guerre en Ukraine, il y avait de quoi écrire des textes pessimistes, barrés et clichés qui rappelleraient l'ambiance d'Absolution. Musicalement en revanche, l'idée était de proposer un genre de best of de ce que le groupe sait faire, avec en prime une direction artistique assurée par le batteur Dominic Howard, qui s'est entraîné à jouer à la double-pédale pour ce nouvel opus.
Un point déterminant a influencé mon avis sur l'album et je pense que je ne suis pas le seul à ressentir cette déception pour cette raison précise : la longue durée entre la sortie du premier single et l'album. Quand un artiste ou groupe compte sortir un album d'une quarantaine de minutes qui contient 10 titres, rien de pire que d'avoir eu pendant les six mois précédents 4 singles pour patienter, car on a déjà digéré quasiment la moitié du nouveau disque avant même sa sortie. Je sais très bien que rien ne m'obligeait à écouter ces singles à leur sortie, mais de toute façon je serais tombé dessus en version Live quoi qu'il arrive puisque j'ai regardé la retransmission du concert du groupe au Tempelhof Sounds Festival cet été.
L'album commence avec Will of the People, dont les chœurs répétitifs rappelleront forcément Marilyn Manson à quiconque ayant déjà écouté The Beautiful People de la célèbre icône des années 2000. C'est un morceau dans la veine de Uprising ou Psycho au niveau du tempo, rien de tel pour préparer l'auditeur à passer un bon moment, et la foule également en concert. Ce n'est pas un chef-d’œuvre, mais je trouve le titre efficace et pas forcément caricatural alors que Psycho l'était, bien que ce soit l'hymne à stade parfait.
Et dès le deuxième titre tout s'écroule et je ne comprends pas comment un tel niveau de mauvais goût peut suivre après un titre Rock enjoué. C'est une tradition de la part de Muse de sortir en single au moins une chanson insipide depuis Drones (on a eu Mercy, Dig Down et Something Human je le rappelle) mais là c'est vraiment la pire de toutes. C'est le vide absolu d'un point de vue mélodique, répétitif et plat à la fois. Le synthé est insupportable et le seul élément du morceau qui pourrait le sauver, à savoir la basse, n'est pas plus mis en avant que ça sur les trois-quarts du titre et sert de cache-misère sur un morceau bien trop pauvre de toute façon. Quand je pense que des gens chouinaient quand le groupe a sorti Madness, comparé à ce truc c'est un vrai bijou.
C'est alors que Muse s'est souvenu que le groupe était très doué pour imiter Queen. Après United States of Eurasia, Defector ou Blockades, voici donc Liberation. Ça commence au piano, c'est rejoint par les autres instruments avec la double-pédale de la batterie qui tape bien et même si c'est une caricature de Queen, c'est pas mal du tout. J'ai vraiment l'impression que le morceau aurait pu décoller un peu plus s'il avait durer plus longtemps, mais hélas il va falloir se satisfaire de peu cette fois.
Won't Stand Down était une grosse surprise lors de sa sortie en singles et j'espérais de tout mon être que l'album soit dans la même veine. Alors que les couplets rappellent le groupe qui a enregistré The 2nd Law ou Simulation Theory, il y a une nouveauté juste avant le refrain : des gros riffs de guitare et des breaks bien inspirés par le meilleur du Metalcore de ces quinze dernières années. Le refrain est une montée en puissance, le son est lourd mais clair : c'est un super morceau. D'ailleurs, c'est Dan Lancaster qui s'est chargé du mixage de ce titre, et il a notamment bossé pour Bring Me The Horizon et A Day to Remember.
Mais le groupe semble bien décidé à casser le rythme de son album à chaque fois que celui-ci devient un peu cool à écouter, et c'est ainsi qu'on se retrouve avec Ghosts (How Can I Move On). Pas de doute avec la progression d'accords ou la façon de les décomposer au piano, on est bien chez Muse. Mais la mélodie ne décolle jamais, la basse et la batterie ne viennent jamais rejoindre le piano de Bellamy. J'ai eu l'impression d'entendre un titre rejeté de son album solo Cryosleep et c'est dommage.
You Make Me Feel Like It's Halloween part d'une idée plutôt bonne : faire un titre dansant et un peu foufou. Après tout il y avait un hommage à Prince à travers Propaganda sur l'album précédent, autant essayer de faire du Michael Jackson sur le disque suivant. Malgré un synthé qui colle bien à l'ambiance Halloween du morceau et le groove de la batterie, j'ai trouvé la démarche un peu vaine. La ligne de chant ne casse pas trois pattes à un canard et le refrain est trop pauvre, comme dans Compliance. Où sont les envolées de malade que Muse était encore capable de faire 2 titres plus tôt ?!
C'est avec Kill or Be Killed que j'ai l'impression que le groupe essaye de rectifier le tir. Après des années à chercher désespérément un Origin of Symmetry bis, les fans ont tendance à raffoler des titres les plus Rock que Muse est capable de pondre. Si Kill or Be Killed est pas mal du tout avec ses riffs ingénieux et son solo virtuose, il y a quand même un problème : le son de la caisse claire ne déboîte pas tout sur son passage. Pour moi Kill or Be Killed illustre le problème de mixage auquel tous les titres de l'album font face : tout fait bloc. Je sais bien qu'avec la guerre du volume entérinée à la fin des années 90 on ne fait plus le mastering de la même manière, mais que ça impacte aussi le mixage où tous les instruments forment un bloc de son qui tape directement dans les deux oreilles de l'auditeur sans qu'il puisse discerner les nuances, c'est dommage. Étrangement, ce morceau passe mieux en Live, même en l'écoutant sur une simple retransmission de concert sur internet.
Je n'ai pas encore compris pourquoi certains acclamaient Verona, j'ai trouvé le morceau plutôt infect. C'est le moins bon morceau du disque avec Compliance pour moi. Ça tourne sacrément en rond pour un titre qui frôle les 5 minutes.
Avec Euphoria, le groupe se réveille enfin. On se prend un gros riff de guitare en pleine tronche, on se rappelle que ce groupe a un bassiste qui peut faire autre chose que suivre bêtement ce que fait la guitare, ça y est, c'est parti ! Petit souci : en plus des soucis de mixage, la mélodie ne pousse pas très loin. C'est chouette à écouter, mais le refrain est assez plat et pas assez satisfaisant, même si la guitare fait carrément le job. Muse a toujours composé de façon à ce que dans leurs morceaux, on sente une certaine satisfaction lorsque les lignes mélodiques se résolvent. Sur ce disque-là, je trouve qu'on manque cruellement de ces résolutions, même pour un titre aussi prometteur qu'Euphoria.
Comme il fallait finir en beauté, le groupe termine l'album avec We Are Fucking Fucked. Un délire rock avec là encore des couplets peu inspirés et un refrain un peu trop simple au niveau du chant (mais entêtant cette fois il faut bien l'admettre), mais au moins c'est inattendu. Comme avec Liberation j'ai cette sensation de titre trop court. La dernière partie du morceau, plus chaotique avec ses cavalcades et son solo qui rappellent Knights of Cydonia, était vraiment prometteuse mais s'arrête trop vite.
En bref, Will of the People représente une déception qui ne durera peut-être pas (parce que comme je l'ai dit plus haut, le fait de déjà connaître 4 titres sur 10 a tendance à gâcher le plaisir de la découverte d'un disque chez moi). Le temps et les réécoutes jouent souvent en faveur de la musique car celle-ci s'imprime dans notre cerveau. Mais après avoir écouté l'album 4 fois, en partie pour comprendre ce qui pouvait clocher d'une part et où allait le groupe d'autre part, pour le moment je n'accroche pas plus que ça. J'espère évidemment réévaluer l'album à la hausse plus tard, mais pour l'instant j'ai juste l'impression qu'il manque quelque chose à ce disque qui aurait pu être très bon pour vraiment me toucher.