Quatre ans après Simulation Theory, un album nostalgique rempli de pistes diverses ayant divisé leur fans, Muse revient, après un rollout infâmemement long (sept mois entre la sortie du premier single et la sortie de l'album) avec Will of the People, leur neuvième album studio, dans lequel ils font le pari d'exploiter des sonorités encore plus diverses que son prédécesseur d'une manière plus énergique et en se rapprochant beaucoup de précédents essais musicaux du groupe.
Depuis The Resistance, Muse expérimente de plus en plus avec le ridicule. Non, je vous vois venir, pas en terme de qualité. Par ci par là, depuis cet album, on trouve quelques morceaux un peu absurdes mais très fun et appréciables, dans lesquels le groupe n'hésite pas à se tourner en dérision. Si l'on en croit les dires de Matt Bellamy en interview - si vous arrivez à décrypter le cheminement de pensée incompréhensible du monsieur - cet album est une sorte de "Best-Of", reprenant toutes les sonorités clés du groupe avec ironie dans un ensemble principalement dirigé par le batteur, Dominic Howard. Ce côté ironique est, quand l'auditeur en est informé, assez palpable et plaisant.
Parfois, il faut savoir admettre certains vérités honteuses en préface d'une critique afin de ne pas tromper les lecteurs. Muse est mon groupe préféré: fan depuis 2007, j'apprécie (presque) tous leurs albums, et la trajectoire musicale du groupe depuis Black Holes and Revelations ne me dérange absolument pas. Matthew Bellamy reste certes un goblin britannique insupportable et incompréhensible, mais il faut recconaître que le boug est assez doué. Cette critique n'est cependant pas forcément une impression biaisée d'une fangirl ayant eu l'album quelques jours avant tout le monde et l'ayant déjà écouté plusieurs fois (à moins que). J'ai jugé le disclaimer assez nécessaire.
L'album démarre avec Will of the People, utilisé comme troisième single. Si le morceau est, de prime abord, trop stagnant et répétitif (ce qui en fait d'ailleurs le morceau d'ouverture le moins grandiloquent et cinématique du répertoire de Muse), il gagne de l'intérêt au fur et à mesure des écoutes, s'inscrivant dignement dans la lignée d'autres hymnes de stade de Muse comme Psycho, Supermassive Black Hole ou Pressure, se distinguant de ces derniers morceaux de par son approche satirique d'un des sujets habituels (bien que toujours abordé vaguement) de Muse: la révolution. Cette approche satirique voir même parodique est présente, comme mentionnée précédemment, sur de nombreux morceaux de l'album.
La deuxième piste du disque, Compliance, a mis un moment à me plaire. Alors que je fais habituellement partie du camp de la "force tranquille" chez les fans de Muse, étant plus que souvent satisfaite des singles et albums, j'ai eu une réaction assez épidermique à celui-ci à la première écoute. Cependant, au fil des mois et des réécoutes, je ne me suis pas forcée à l'apprécier (la voir en concert à du aider), mais elle a su s'installer dans la discographie du groupe aux côtés des autres efforts plus pop du groupe comme Undisclosed Desires et Madness sans pour autant les dépasser, demeurant une piste sympathique qui se laisse écouter, et étant, comme pour beaucoup de morceaux du groupe, largement plus appréciable en concert.
La très sympathiqueLiberation nous ramène aux sonorités piano-rock de l'époque de The Resistance, et plus particulièrement de United States of Eurasia, avec notamment l'ajout notamment d'une guitare acoustique, et une très belle performance vocale de Bellamy. Malheureusement, ce morceau est victime d'une durée beaucoup trop courte, se terminant en plein build-up très prometteur.
Won't Stand Down, le lead single heavy et un peu foutraque mais efficace du disque, fait toujours le café. Ce n'est pas forcément un des meilleurs singles du groupe, mais elle est très entraînante, son refrain est solide et marquant, et elle est, tout comme Compliance, bien meilleure en live.
Ghosts (How Can I Move On?) est une ballade touchante animée par Matt Bellamy seul, à la voix et au piano. Très efficace (veuillez lire: j'ai pleuré comme une madeleine à la deuxième écoute), elle arrive à se faire une place aux côtés des morceaux plus "bangers" de l'album. Pas tant grâce au piano, qui ne fait qu'accompagner la sublime performance vocale de Matt Bellamy.
La deuxième partie de l'album démarre avec You Make Me Feel Like It's Halloween, un OVNI total rappelant les sonorités de Simulation Theory, un cocktail étrange de paroles traîtant de violence domestique et d'une composition très Halloweenesque (le nom est bien trouvé), mélangeant synth rock, orgues et guitare, donnant naissance au morceau le plus fou et fun de l'album.
Kill or Be Killed, le septième morceau de l'album (uniquement jouée en live pendant quelques mois puis choisie pour être le quatrième single suite à une forte demande des fans), le titre du groupe plus heavy depuis Assassin, est très reminiscent du Muse "heavy" d'Origin of Symmetry, Absolution et Black Holes and Revelations. Si elle aurait certes pu figurer sur Drones, elle est, contrairement à la grande majorité des morceaux de cet album, réécoutable et fun. Là ou avec Drones, le groupe s'efforçait de revenir à un son "heavy" juste pour être heavy lors de sessions d'enregistrement pénibles (ce qui se ressent dans l'album), dans Kill or Be Killed (et par extension les autres morceaux plus "heavy" de Will of the People, Won't Stand Down, Euphoria et We Are Fucking Fucked), on sent que le groupe s'est vraiment éclaté avec ce morceau, ce qui fait toujours plaisir. Elle est, comme les autres singles, bien meilleure en live, mais sa version studio reste très bonne. Le mix n'est pas parfait - la basse à tendance à être noyée - mais très intéressant, avec un petit côté industriel/glitchy qui est le bienvenu. Ce morceau, avec des sections se rapprochant un peu du metal/nu-metal, devrait satisfaire une bonne majorité de fans.
Will of the People alterne habilement sonorités lourdes et légères pendant toute sa durée (avec l'exception du placement de Won't Stand Down, qui aurait bénéficié à être revu), et ces deux côtés s'entrechoquent dans Verona, qui développe une sublime atmosphère musicale évolutive à l'aide d'arpèges de synthés et de guitare au cours de ses cinq minutes (en faisant le morceau le plus long de l'album). Mais si le morceau est magnifique et très appréciable dans le contexte de l'album, je ne pense pas trop y retourner en dehors de celui-ci. C'est personellement la piste que j'apprécie le moins dans cet ensemble de dix titres - tous plutôt bons.
Alors que l'album approche de sa fin, Muse délivre, dans Euphoria, neuvième piste de l'album portée par un de leurs meilleurs riffs, le morceau le plus "Muse" possible, fusionnant beaucoup de leurs sonorités en un hymne pop rock incroyable rappelant à la fois Plug in Baby et Blockades, mais aussi Crying Shame et Easily (b-sides de l'ère Black Holes and Revelations), qui mets à l'amende beaucoup des précédents essais pop rock du groupe comme Revolt ou Get Up and Fight. Celle-ci est probablement ma piste préférée de l'album d'ailleurs.
Et, enfin, le spectacle se clos avec un des meilleurs morceaux du trio britannique, We Are Fucking Fucked, un banger volontairement bordélique et ridicule assez incroyable qui à de l'énergie à revendre, avec des couplets rappelant Showbiz et une énergie frénétique presque punk.
C'est pas pour raviver les flammes du conflit mais ce morceau me rappelle énormément "The Trickster" de Radiohead, face b de l'époque de The Bends...
En somme, avec Will of the People, Muse propose un de ses albums les plus solides et amusants, qui, du long de ses 37 minutes (l'album le plus court du groupe), semble être, de prime abord, très réécoutable. Si on dénote certes quelques problèmes de mixage (comme sur la plupart de leurs albums) et quelques passages pouvant faire grincer les dents des fans hardcore du groupe, ce disque présente un ensemble cohérent de dix morceaux tous plaisants, sans grosses fautes, largement plus faciles à digérer que les trois précédents albums.
Morceaux préférés: Euphoria, We Are Fucking Fucked, Ghosts (How Can I Move On?)