« Cat Power » : en compétition pour le prix du nom d'artiste le plus t'as-qu'à-croire. Catégorie féministo-féline, mais qui a grand besoin qu'on l'aime. Une meuf quand même un peu perchée... Faut voir comme cette petite nénette se la raconte. Elle se la pète sévère, la pépée. Et vas-y que je minaude, que je miaule, que je fasse ma finaude. Sûr que les gros matous du quartier vont trembloter des babines pour cette baby quand ils l'entendront ronronner. En tout cas, moi, je suis tranquille, pas du tout mon truc. Oh que non. La complainte de son p'tit coeur qui saigne ne m'affecte pas le moins du monde. Je n'avais même pas précommandé son disque sur internet six mois avant sa sortie officielle en 2003. Alors tu vois.
Elle doit en énerver certains, je parie. À faire sa belle. Certes, elle m'a tout l'air d'être un tantinet narcissique, la nénette. Mais pas de n'énervement inutile. Que nenni. Disons-lui pourtant tout net : on ne se fera pas n'avoir par sa gnognotte. Niet. (Qu'est-ce que j'ai à parler comme un neuneu, moi ?) Sauf qu'il faut admettre qu'elle a de quoi convaincre. Une voix superbe, presque enfantine, cajoleuse, enjôleuse, pleine de tendresse. Souvent seule derrière son piano ou sa guitare, pour chanter ses mélopées entêtantes. Un joli brin de femme, avec sa frange au-dessus des yeux... Mais pas mon genre, absolument pas ! Une fille à fêlure qui flanchouille facile ? Sans façon. Doit être galère, la petite chatte. Elle a tout, talent, beauté, estime de ses pairs..., eh bien non, ça ne lui va pas. Il y a comme un blues en elle, qui n'arrive pas à passer.
Chan Marshall de son vrai nom — quelle idée de se faire appeler Cat Power quand on a un nom aussi cool ? —, Chan Marshall, donc, est belle comme sa musique. On voit sa musique sur son visage. Certains disent qu'elle a une tête de petite-maison-dans-la-prairie. C'est même pas vrai : c'est une femme magnifique, et la prairie ressemble plutôt à une vallée de larmes. Ses chansons minimalistes, régulièrement poignantes, donnent l'impression qu'elles peuvent s'interrompre à tout moment, sans prévenir. Elle chante au bord de la rupture, elle est douée dans son genre (qui, dois-je le rappeler, n'est pas le mien — on est bien d'accord). Un genre pas exactement girl power, plutôt cat power, si l'on résume. Bref, une chanteuse que les vrais hommes n'écoutent pas (Machete n'écoute pas Cat Power) (moi non plus) (c'est pas mon style de musique) (ça nous touche pas, Machete et moi) (d'ailleurs je n'écoute que du death metal) (et c'est pas mon type de femme) (n'insistez pas).
Ah, et la jaquette du disque, franchement ! T'exagères, miss Marshall. Des arbres nimbés de lumière matinale un jour de printemps ensoleillé... Tu veux nous dire quoi ? Qu'une éclaircie se présente dans ta vie et que désormais tu are free ? C'est ça le message ? Crois-tu vraiment que ça intéresse les gens ? N'y aurait-il pas comme une légère pointe d'égocentrisme exacerbé ici, derrière cette verdure, pour le dire sobrement ? En somme, une dizaine d'albums au compteur et toujours pas de pochette acceptable. Je sens que je ne vais pas tarder à rejoindre le camp des n'énervés... Mais attends, dès qu'elle chante, c'est une autre affaire... Toutes ces mélodies..., ce sont des prières, des incantations, des suppliques délicates qui viennent se noyer dans la marre au cafard où elle plonge plus souvent qu'à son tour, dans les eaux sombres des grands perdus de la vie.
Quand on écrit une chanson comme « Werewolf », avec son rythme de guitare pour débutante et ses violons lointains qui sanglotent discretos, on peut tout se permettre. Surtout quand, dans le même disque, on trouve des titres aussi vitaux et mignons que « Fool », « Babydoll », « Maybe Not », « Names », etc. D'habitude, les termes « vital » et « mignon » ne sont guère associables. Mais Chan y arrive sans peine, sa démarche n'est jamais mièvre. Ses ritournelles enfantines, ses chansons miniatures tendues vers l'amour, achèvent de convaincre. Elle peut bien prendre la pose, tout ce qu'on voit, c'est une petite fille qui chante devant son miroir, telle une diva des déprimes, mimant ses idoles pour un public imaginaire. Et elle nous fait fondre, bien sûr.
A un de ces quatre, Cat Power. Pour de bon, on t'aime.