"They never owned it, and you never owed it to them anyway."
"You Are Free"
Rien que le titre explique tout l'album.
"You" pour l'ouverture aux autres, la compassion, la compréhension des blessures.
"Free" pour l'ouverture, la ligne d'horizon qui s'élargit.
Je m'explique.
Cat Power, avant cet album, ce n'était pas franchement la joie. C'était éprouvant. De la folk rugueuse où l'artiste se mettait à nu, découvrant ses blessures, ses écorchures. Se dessinait le portrait d'une personne paumée, en quête de repère, comme une voyageuse cherchant un oasis au milieu du désert. Et c'est en le remettant dans ce contexte que l'album prend toute son ampleur.
Car, à plus d'un titre, il s'agit de l'album de la renaissance. Musicalement, d'abord. Finie, la guitare sombre et torturée d'un "What Would the Community Think ?", "You Are Free" se fait paisible, aérien, s'oriente même vers la pop à plusieurs reprises. Le piano fait son apparition, des arrangements discrets décorent les chansons ; la musique se densifie, en somme, tout en gardant le style simple et évocateur de l'artiste (en gros : tout en accords basiques et en riffs simples joués en boucle). Un album plus habillé que les précédents, donc, qui illustre parfaitement le virage opéré sur cet album.
Car s'il y a bien un changement, il s'effectue avant tout en profondeur.
Comme je disais, "You Are Free" est, pour Cat Power, l'album de l'ouverture. Ses précédents opus étaient avant tout tournés vers elle, douloureux et intimes, agissants comme catharsis. Chan n'hésitait pas à se faire accusatrice, et certains morceaux étaient emplis de rancœur et de haine. Ici, le morceau d'ouverture se nomme "I Don't Blame You". Sur le deuxième, elle nous chante "It's ok, it's your right, come on and take your chance." Cat Power était paumée, elle a trouvé son chemin ; par conséquent, elle se fait plus maternelle, chaleureuse, à l'écoute des autres, de leurs douleurs - douleurs qu'elle connait bien pour les avoir elle-même traversé.
Pour autant, on ne peut pas dire qu'il s'agit d'un album démagogique, dans le sens où Chan Marshall met toujours une certaine distance, un certain recul dans ses chansons, et si "You Are Free" est effectivement chaleureux, il ne cherche pas non plus à l'être à tout prix, laissant le choix à l'auditeur de pleinement se plonger dans son univers ou non. Sur ce point, il ressemble aux autres albums de l'artiste : il est discret. Mélancolique également, à plus d'une reprise. Des pistes comme "I Don't Blame You" (encore elle) ou "Baby Doll" sont de petits bijoux d'émotion.
"You Are Free" est un album qui se tient là, dans le coin, un album qui ne force personne et qui peut paraître un peu distant, mais c'est un album qui est prêt à ouvrir les bras dès qu'on vient le voir, dès qu'on a besoin de lui. En cela, c'est un album extrêmement rare, et précieux. Maintenant, à vous de voir si vous voulez faire le premier pas.