Une série comme Buck Danny n'est pas intéressante en soi mais quand on prend la peine à l'age adulte de se souvenir de la fascination éprouvé durant son enfance, on ne cesse d'être surpris. C'est d'abord l'irruption de la gente féminine dans un genre de récit qui avant l'excluait où la confinait à un rôle mineur.
Voici donc en intégralité la fiche d'analyse que je lui ais consacré il y quelques années.
Titre : Buck Danny contre Lady X


Auteur : Jean Michel Charlier (scr) Victor Hubinon (des)


1ère publication : Spirou 1956.
Publication album : Dupuis 1958.


Sources : M. Pierre La bande dessinée p 92, site wikipedia.org /wiki/Buck_Danny, JB Renard Clefs pour la bande dessinée p. 79.


Ouvrage d'étude utilisé : Édition Dupuis à couverture rigide 1985.


Éléments de critique externe :
Selon les commentaires accompagnant les rééditions le personnage de l'espionne Lady X est inspiré de la femme pilote d'essai allemande Hanna Reitsch . Selon JB Renard le personnage de Lady X a pu être directement inspiré par Milton Caniff auteur de la série Terry et les pirates qui accueille le personnage de ''Dragon lady''.


Le thème de la base scientifique situé dans les région polaire est présent dans le cinéma d'anticipation américain, notament La ''Chose d'un autre monde sortie en 1952 réalisé par Christian Nesby (Cf : Analyse de L. Gervereau Histoire du visuel au XX°siècle pp. 329-337).


Éléments d'analyse :


Vision de la femme :


M. Pierre La bande dessinée p 92.


« Une héroïne blonde mais sans pitié, féroce mais sans sexe appeal pouvant traumatiser les âmes enfantines. Telle apparaît en 1956, Lady X, espionne internationale, dans un épisode des aventures de Buck Danny. Près de quinze ans plus tard, elle est toujours l'adversaire privilégiée du héros. »
Lady X est un modèle de personnage transgressif, elle s'habille en homme, emprunte les attributs du héros masculin (armes, avions) symbole de virilité.
Assez vite Lady X troque l'avion pour le sous-marin comme engin de prédilection (« Un prototype a disparu », « Ghost Queen », « Le feu du ciel ») évolution qui contribue à la rattacher au monde diabolique des profondeurs. Elle apparaît à la fois comme l'incarnation d'une mal récurent et menaçant et en même temps la matérialisation de fantasmes inconscient vis à vis de la femme des héros rejeter dans le camps du mal car non assumé.

Base secrète et transgression d'interdit.


L'épisode développe à travers, la base secrète de Target zéro, pour la première fois le thème de l'enceinte sacrée exclusivement réservé aux hommes que le personnage féminin transgressif de Lady X tente de pénétrer. Tentative qui s'assimile à un viol qui apparaît comme une représentation inversée du viol : Une femme masculinisé tente de s'approprier les secrets de la base que défende les hommes.
La transgression de Lady X peut correspondre à la réalisation d'un fantasme enfantin, celui plus où moins lié à la scène primitive, qui pousse l'enfant à vouloir pénétrer dans la chambre de ses parents pour y découvrir les secrets de ses origines. Le viol des secrets de la base par Lady X semble répondre à la réalisation d'un désir secret, tandis que la garde vigilante des héros autours de la base correspond à l'affirmation d'un interdit.
On remarque que les héros sont les gardiens du secret de la base mais n'accèdent pas à ses véritables secrets. A l'image de fils ne transgressant pas le secret des parents.


Le thème du respect de l'interdit de la chambre des parents et à l'inverse de sa transgression, constitue un thème commun à plusieurs séries de la même période.
– 1950-52 : « Le secret de la grande pyramide » (E.P. Jacobs).
– 1953-54 : « La marque jaune »
– 1950-53 : « Objectif lune » (Hergé).


Dans tous les cas, la violation de l'interdit est l'occasion de réaffirmer un interdit fondamental au niveau psychologique assortit d'une règle morale intiment le respect de l'autorité.


La transgression de Lady X s'effectue à plusieurs niveaux.
– Elle change de sexe.
– Elle cherche à pénétrer un espace interdit reconnue comme celui des parents.
Elle revendique d'être l'égale des hommes.
P 39 4/3 :
Lady X (en pensée) : « Ha!... Ha!... Ha!... Enfoncé, Buck Danny ! Roulé comme un débutant !... Une femme a vaincu le meilleur pilote des USA!... Ha!... Ha!... Ha!... Lady X a gagné la belle !!! »


Graphiquement la condamnation du personnage de Lady X s'effectue à travers celui du masculinisation qu'implique son apparence et son comportement. Critique d'une image de la femme accusé de se virilisé qui semble remonté à la 1° ww .


Cette transgression du féminin vers le masculin provoque le malaise chez les héros qui ne réussissent pas à voir en Lady X un ennemi ordinaire et qui vivent la perspective d'abattre une femme comme une transgression monstrueuse.
.
Le héros éponyme est le plus déterminé a détruire Lady X.
Le contrepitre Sonny Tuckson le plus réticent.


P. 41 2/1, 2, 3 & 3/1 :
Buck Danny : « Laissons-là nous conduire jusqu'à son repaire. Il doit se trouver dans une des petites iles déserte et inexplorées qui bordent la côte par centaine //Ainsi, nous ferons coup double!... Les copains pourront détruire ce nid de vermine dès que nous l'aurons repéré, quant à Lady X, nous la descendrons au moment de son atterrissage... //

Sonny Tuckson : Allo, Buck ! On... on ne peut pas faire ça !... Tirer sur une femme ! Et surtout se mettre à trois pour l'abattre ! C'est honteux.
Buck Danny : Heu... Je... Je sais bien... // …mais on ne peut à aucun prix la laisser atterrir avec les renseignements qu'elle rapporte. C'est toute la défense du pays qui est en jeu !...
Sonny Tuckson : Tout de même descendre une femme !... C'est monstrueux !...

Tumbler : Hé! J'ai une idée ! »


Le second Tumbler fini par proposer un moyen destiner à forcer Lady X à se rendre sans avoir à lui tirer directement dessus malgré l'échec de la manœuvre, les aviateurs ne se résignent pas à abattre directement l'espionne et tire dans l'eau pour créer un mur d'eau qui l'obligera à se rendre. C'est finalement Lady X elle même qui s'autodétruit en se jetant sur ce mur.

Plus encore que les secrets militaires qu'elle emporte c'est le fait que Lady X ait sacrifié ses hommes pour couvrir sa fuite qui décide Buck et ses équipiers à agir.
P 45 3/3 :
Buck Danny (en pensée) : « Mon Dieu !... Cette femme est donc un démon !... Elle a sacrifié ses hommes !... Tout a sauté !... Elle va payer ses crimes ! »


A la transgression de Lady X les aviateurs ont dû répondre à une transgression presque équivalente celui de détruire une femme. C'est à dire l'être qui se rapproche le plus de la mère.


Au cours de l'ultime lutte la ténacité de Lady X force l'admiration de ses adversaires qui finissent par la considéré comme leur égal.
P45 1/ 2 & 2/1 :
Lady X : « Un... un mur d'eau !... et si je grimpe, je suis perdue ! / (elle franchit le mur d'eau) / Passée!... Je suis passée !
Sonny : Bon sang !... Elle est folle!... Elle a foncé !... Quel cran !
Buck Danny : Vite !... Remettons ça ! Tirons aussi près que possible ! »
P 45 4/2 :
Buck Danny : « Je suis heureux que Lady X ait fini ainsi, je supportais mal l'idée de voir un as comme elle condamné pour trahison ! »


En qualifiant Lady X d' « as » Buck Danny la masculinise définitivement.


Évocation de la guerre froide...


La course aux armements nucléaires opposant l'URSS et les USA constitue l'arrière-plan du diptyque « Menace au nord » / « Buck Danny contre Lady X », l'enjeu de la guerre froide reste cependant masqué. Lady X n'est pas un agent du bloc de l'est mais la chef d'une organisation criminelle internationale se vendant au plus offrant. Son véritable nom Jane Hamilton renvoie à une identité américaine.


...et références au nazisme.
La référence au nazisme comme caractéristique du camp du mal est commune à plusieurs séries de la même période.
– 1955 : « L'affaire Tournesol » et rééditions remanié du « Sceptre d'Ottokar ».
– 1954-55 : « Patrouille à l'aube »
– 1952-54 : « Le rayon super gamma » / « La machine à conquérir le monde ».
– 1946-49 « Le secret de l'espadon » 1958
A l'opposé la référence au nazisme ne s'effectue pas de manière explicite, seule le personnage de Lady X par sa transgressivité peut évoquer les femmes qui s'engagèrent au côté des nazis durant la guerre.
– L'aviatrice Hanna Rietsch qui semble avoir inspiré JM Charlier sans que celui-ci ne le revendique à l'époque de la publication.
– La coureuse automobile Ginette Morisse condamné avant-guerre pour travestissement et qui fut abattu par la résistance pour cause de collaboration avec la gestapo.


La référence au nazisme n'est pas explicite et s'effectue par le biais du personnage féminin transgressif de Lady X.


L'album est également l'occasion de constater l'art du recyclage de séquence que pratique JM Charlier le sauvetage de Buck Danny par Sonny lors de son évasion du repère de Lady X ressemble fort à celle de “La revanche des fils du ciel”.On constate une rare allusion de la part du héros à son passé quand il fabrique une montgolfière en papier de soie pour envoyer un message au secours il évoque le moment où quand il était gosse il réalisait des montgolfières.


L'enfermement :


L'enfermement lié à la mise à merci du héros par son ennemi semble être une constante de la saga :
– « Un prototype à disparu » Buck Danny est à nouveau prisonnier de Lady X.
– « Mission vers la vallée perdue » les 3 héros sont prisonniers du grand Lama.
– « Les voleurs de satellites » les 3 héros et l'astronaute sont enfermés dans un sous-marin.


L'enfermement s'accompagne de menaces de mort.

Après une rapide relecture je m'aperçois que d'autres choses sont encore à dire alors à plus tard peut-être.

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le 16 févr. 2019

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