Un homme blond et athlétique, sorte de croisement entre Riquet à la houppe et le personnage de cartoon Johnny Bravo, marche dans le désert avec un chevalet de peintre sur le dos. Il aperçoit un bunker, s’y engouffre, déploie son matériel et s’exclame : « Ici je peux, sans être vu, mener ma période surréaliste à son épanouissement népalais ! » Il entreprend alors de peindre sur sa toile l’image d’un pharmacien mou lorsque survient un garde champêtre, matraque à la main, qui le prend en chasse et vocifère : « Pris sur le fait ! Du surréalisme en 1996 ! Comment oses-tu ? » C’est une des nombreuses histoires déroutantes en une page qu’on peut découvrir dans le recueil de Cow-Boy Henk, ce bellâtre à l’esprit tordu né au début des années quatre-vingts sous la plume du tandem Kamagura-Seele et devenu depuis un classique de la bande dessinée alternative flamande.
Henk, qui n’est pas un cow-boy contrairement à ce que le titre de l’album indique, exerce différents métiers (coiffeur, chirurgien, journaliste, peintre, dentiste) pour lesquels il déploie un savoir-faire rarement en rapport avec ce qu’on attend de lui. Diffusée dans l’espace francophone par le biais du mensuel Fluide Glacial, cette série singulière a vite attiré l’attention des lecteurs, par son humour proche de l’absurde mais plus encore par son trait rétro et ses couleurs vives qui évoquent les anciennes bandes dessinées américaines. Ce graphisme vintage a quelque chose d’anachronique et de rassurant alors que le propos, dans son côté insensé et gratuit, n’a rien qui rappelle le classicisme des vieux comics. Mutations sexuelles, scatologie, nudisme, mutilations diverses, autant de sujets scabreux qui, pourtant, ne cherchent pas à choquer ou à franchir des limites morales ou idéologiques mais uniquement à illustrer ce que l’éditeur présente comme « le surréalisme pour les masses ». Une curiosité qui vaut précisément pour ce décalage singulier entre le fond et la forme.