Grand reporter, Sorj Chalandon est sidéré d’apprendre que le vieux guerrier qui l’a converti à la cause irlandaise, membre éminent de l’Ira et homme de convictions, était un traitre. Lâché par les services secrets anglais, son ami Denis Donaldson est exécuté par l’Ira. Chalandon se fera romancier. Il criera sa douleur dans Mon Traitre (2008). Puis, trois ans plus tard, une fois sa colère apaisée, il cèdera la parole au félon dans Retour à Killybegs (2011). Les deux ouvrages seront encensés par la critique. Que peut ajouter une adaptation en bande dessinée à cette avalanche de livres et d’honneurs ?
De la concision et du laconisme. Denis Donaldson s’est tu. Son double littéraire, Tyrone Meehan, parle peu. Oui, il a été piégé. Oui, il a été trompé. A-t-il eu plus honte que peur ? Il pensait finasser. Il voulait croire se sacrifier pour la paix. Bullshit. Ses amis ont été tués, par sa seule faute.
De somptueux dessins monochromes. La belle plume de Chalandon s’appesantissait sur les humiliations et les injustices, les corps broyés et torturés, les visages avilis et haineux. Or, le lecteur effarouché conservait le pouvoir d’éluder l’accumulation de souffrances. L’exercice est plus délicat avec Pierre Alary. Ses chapitres sont courts et ses vignettes précises. Mieux qu’un film, trop démonstratif, son œuvre suggère et, sans transition, expose la violence brute. La fatigue et l’effroi. La merde et l’urine. C’est beau. Sobre et très beau.
Débarrassée de ses oripeaux chevaleresques ; les échanges de serments, l’amour de la Verte Érin et la virile camaraderie ; la guerre civile se fait rêche et impitoyable. La guerre tue. La guerre divise. Son père est mort alcoolique. Son frère aîné a fui aux USA. Son fils unique a vieilli dans une geôle immonde. Tous l’accablent. Tous, sauf sa femme et, peut-être, vous...
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