Au bout d’un moment il fallait bien que je me fasse mon propre avis.
Depuis le temps qu’on m’en parle de cette saga !
Ces derniers temps, sitôt le sujet des BD était-il mis sur la table que le nom de « Sillage » revenait tel un écho lancinant.
Et alors que j’étais à la bibliothèque pour faire mes emplettes, voilà qu’en me retournant en direction des bacs de BD je suis tombé dessus, comme un signe du destin.
Face à moi, le tome 1 de « Sillage ».
Je ne sais pas vous, mais moi j’ai tendance à penser que quand un vilain esprit vous fait du pied, à un moment donné il faut savoir prendre une décision : soit on cède, soit on exorcise, mais dans les deux cas, il faut savoir faire face.
Alors j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai ramené ce tome 1 de « Sillage » à la maison.
Et à peine suis-je rentré chez moi que je me suis plongé dans cette fameuse bande-dessinée dont on m’a dit qu’elle était culte.
Or c’est peu dire que le premier contact fut une véritable douche froide.
Constat après quelques pages : visuellement, « Sillage » je trouve ça fade.
Alors OK c’est pas moche en soi, mais les premières cases ont vraiment un aspect de BD impersonnelle et sans ambition ; le genre de machin sans âme au trait net et presque simpliste qu’on a coloré à la palette graphique sans véritable idée précise.
Alors après est-ce je vois les choses ainsi parce que j’ai été biberonné aux « XIII » et « Thorgal » ? Est-ce parce que je me suis refeuilleté il n’y a pas si longtemps que ça mes albums de « Blacksad » que mon exigence est aussi elevée ?
…P’t-être bien qu’oui. P’t-être bien que non.
En attendant les premières pages de ce tome 1 avaient vraiment pour moi la saveur d’une BD ramassée sur une aire d’autoroute ; le genre de truc qu’on chope vite fait au milieu des fraises tagada et des jouets à deux balles qu’on pose là à côté de la caisse pour que ça soit acheté par les parents qui ont envie de calmer leurs gamins qui hurlent sur la banquette arrière.
…Et cette impression, ce n’est la découverte des premiers personnages qui l’a arrangée.
Qu’il s’agisse de la petite nymphette pratiquement à poil qu’est Nävis ou bien du petit troll qui va l’accompagner provisoirement le temps de son aventure, tout a des allures d’aventure pour gamins… Pire d’aventure pour puceau.
En seulement trois pages on s’est déjà coltiné l’héroïne sous toutes les coutures et les positions. Tous les prétextes sont bons pour mettre en évidence sa cambrure, son entrecuisse ou bien le fin bout de tissu qui peine à voir le jour entre ses fesses… C’est un vrai festival.
En voyant ça, j’imaginais déjà le dessinateur en train de baver sur sa page… « Ah ouais… Ouais vas-y ma petite Nävis… Serre bien ton petit cul tout ferme quand tu bondis de branche en branche… Ouais voilà comme ça… Allez je rajoute encore deux-trois cases pour décomposer le mouvement, histoire d’être sûr que l'action apparaisse bien… fluide. »
Et le pire c’est que j’imaginais déjà le lecteur boutonneux à qui ce genre de démarche s’adressait…
Or désolé mais moi j’ai juste passé l’âge…
Entre ça, le petit lutin peluche, le tigre qui parle et le gros méchant qui débarque dans son gros costume tout sombre pour raser la végétation de cette gentille planète, j’avais du mal à voir comment cette BD allait pouvoir hausser suffisamment le niveau pour que je daigne aller jusqu’au bout…
Mais finalement – et assez rapidement en plus – « Sillage » commence à apporter quelques billes qui font que, bon-an-mal-an, elle a su progressivement me rendre curieux.
Premier point fort : l’intrigue de ce tome 1 évolue vite.
Très promptement les péripéties s’enchainent, des révélations nouvelles sont faites sur les intentions de chacun, et pas mal de personnages se retrouvent à évoluer rapidement face à des problématiques qui leurs sont propres.
Et soudainement, ce qui apparaissait jusqu’alors comme une faiblesse devient soudainement une force.
C’est justement parce que les personnages sont simplistes et les situations aisément identifiables qu’en fin de compte ça donne pas mal de levier au scénariste Jean-Baptiste Morvan pour tenter pas mal de trucs sans nous perdre, et surtout pour amorcer très rapidement la pompe à fantasmes.
Parce que l’air de rien, « Sillage » envoie tellement de choses et à un tel rythme qu’on se dit qu’à cette cadence là, il suffira de vingt pages de plus pour aller encore plus loin que ce qu’on était en train de s’imaginer.
D’ailleurs, à bien prendre l’ensemble de l’intrigue, ce premier tome nous aura quand même présenté pas mal de personnages, de péripéties et de tranches d’univers, tout en nous faisant bien comprendre qu’il ne s’agit là que d’un amuse-bouche avant le vrai début de l’aventure.
…Eh bah l’air de rien, rien que ça, ça a déjà suffi à capter mon intérêt et surtout à aiguiser mon appétit.
Et quand bien même ce « Sillage », sur l’ensemble de l’album, n’est jamais vraiment parvenu à quitter cet état d’esprit un brin simpliste que je trouve vraiment typique de cette littérature pour adolescents bouillonnants, d’un autre côté je me dois bien de reconnaître que cette fougue et cette générosité débridée possèdent clairement quelque-chose de communicatif et de séduisant.
L’un dans l’autre donc, ce tome 1 a su faire le job. Il m’a donné envie de lire la suite.
Donc vivement le prochain arrêt à l’aire d’autoroute.
…Comme quoi, au fond, faire de la BD de puceau, ce n’est pas tant un problème que ça…