Je le réalise de plus en plus, ce sont les petits instants de la vie quotidienne qui renferment la plus grande sensibilité à mes yeux. Ce sont les infimes changements dans le visage de quelqu'un, la façon dont le soleil crée des constellations sur sa peau. Les soirs devant une télévision lorsque le corps tout entier se relâche pour plonger dans le canapé. Le sourire un peu triste de la fille que tu viens de croiser, le détour par le parc en face de son école, le toit d'un bâtiment en pleine journée.
De grandes cases sans dialogue peignent à coups de détails le portrait de quelqu'un. Et si un manga illustre cette façon de raconter une histoire, c'est bien Eri.
Je ne surprendrai personne si je dis que j'ai découvert Adieu Eri aux suites de son célèbre grand frère, Chainsaw Man. Désireuse d'en apprendre plus sur Fujimoto, qui jusqu'alors m'apparaissait comme démonstration de maître des scènes d'action, me voilà ouvrant les pages (scans) de ce one shot.
Ici, il y a bien une explosion, et la même mélancolie qui s'accompagne lorsqu'on sait que cette histoire sera proche des thèmes de la mort. Pourtant, celle-ci est contée sous un ton intimiste qui me touche et me fait prendre conscience de ce qui m'a touché.
La simplicité de l'histoire se voit réhaussée par l'effet "caméra" ajouté tout au long des dessins ; en effet, Yuta est un caméraman en devenir. Le véritable récit est donc celui de sa passion, celui qui derrière chacun de ses instants anodins, se met en tête d'en retranscrire leur sensibilité. Je mentirai si je prétendais ne pas m'être reconnue en lui, lui dont le journal intime s'apparente à des plans séquence de petits détails.
Yuta collectionne ces petits détails, il en dresse des portraits. Il les distribue à coup de clic, les immortalisant dans sa mémoire et sa carte mémoire. "Pourquoi tu filmes ?", et pourquoi l'expression immortaliser pour une image digitale, c'est d'autant de questions auxquelles ce one shot répond.
Les choses les plus anodines le seront moins quand la bobine s'arrête, quand la personne qui est dessus y rend son dernier regard, et alors, alors peut-être tout apparaît de façon plus évidente. La poésie de ce genre de moments n'attend que celui qui les remarque, car tôt ou tard, ils apparaissent comme ceux à chérir le plus.