Stupéfaction dans l’univers des Comics, Alan Moore vient d’annoncer sa retraite, nous laissant tous orphelins. Par chance, Urban Comics réédite la série qui l’a fait connaître, précipitez-vous !
« Il pleut sur Washington ce soir. Une chaude pluie d’été, dont les lourdes gouttes s’écrasent en tâches rondes sur les trottoirs. En ville, les vieilles dames sortent leurs plantes vertes sur les escaliers de secours, comme s’il s’agissait de parents infirmes ou d’enfants rois. »
Nous sommes en 1983, Alan Moore se voit confier le scénario d’une série oubliée, la plus faible du portefeuille de DC Comics. Un ambitieux scientifique travaillant sur la régénération biologique est assassiné. Précipité dans un marais, une réaction chimique le mue en Swamp Thing, mi-homme, mi-plante.
En seulement deux épisodes, Moore dynamite le pitch initial.
La créature de Len Wein était, très classiquement, en quête de sa nature humaine. Moore lui ôte tout espoir. Alec Holland est mort. La créature est une plante, doté des souvenirs d’un homme... Allez vivre après un tel traumatisme...
Une série américaine, c’est 23 pages par mois, un rythme inhumain. Stephen B. Bessette fournit la trame principale. Quand il peine nous la charge, Moore confie des épisodes secondaires à des vacataires. Le dessin aux aplats de couleurs froides, bleus et verts, soulignés à l’encre noire, a vieilli. Le découpage des pages est varié, les pleines pages sont fréquentes et impressionnantes, Bessette aime sa créature.
Au fil des pages, Moore travaille ses personnages, affine ses textes, magnifiquement traduits, et creuse nos propres peurs. Il transcende un genre mineur, la bande dessinée de gare, en futur classique de la littérature fantastique.
« Dans des abattoirs bien loin de leur pré,
Aucune larme ne coulera en mon royaume,
Car ils ne sont que des hommes
Et les hommes ne sont que des chariots en folie »
Le succès est immédiat, les ventes s’envolent. Moore ose alors l’impensable : il s’affranchit du code de bonne conduite, qui interdit l'inceste ou la nécrophilie ! Moore ose tout !