Aujourd’hui je souhaite vous parler d’un manga que je viens juste de terminer, “Alice in Borderland” ou pour les plus japonais d’entre nous “Imawa no Kuni no Alice”. C’est une série assez longue (18 tomes) de Asou Haro, publiée aux éditions Delcourt/Tonkam. Cette série a été prépubliée au Japon entre 2010 et 2016 puis reliée et publiée aux éditions Shogakukan. Comme son nom l’indique, ce manga fait référence à l'univers de Lewis Caroll, on y retrouve des personnages emblématiques tels qu’Alice, le lapin, le Chapelier ou encore la Reine de Cœur.
Dans cette série de survival game avec une composante psychologique prédominante, on y suit Ryôhei Alice, un lycéen comme on en voit beaucoup de nos jours, en décalage avec la société dans laquelle il vit, l’avenir n’y est que source d’incertitude et d’angoisse permanente. Avec ses amis Daikichi Karube et Chôta Segawa, ils imaginent plusieurs scénarios afin de s’échapper de la société actuelle et de leur réalité, espérant trouver la réponse à leur principale interrogation sur le sens de la vie. Un soir, ils assistent à un feu d'artifice et se retrouvent transportés dans le monde parallèle de Borderland.
En explorant ce monde différent qu'ils espéraient tant, ils se retrouvent coincés dans un jeu cruel. Ils y sont contraints de participer à des jeux afin de gagner un visa leur permettant “de rester” à Borderland. Ces jeux sont symbolisés par des cartes à jouer. Le chiffre sur la carte indique le niveau de difficulté du jeu, tandis que la couleur indique son type : physique ; intellectuel ; mixte ; psychologique. Les personnages vont ainsi devoir se livrer à de nombreux jeux plus mortels les uns que les autres, dans l’espoir d’obtenir des réponses sur le fonctionnement et l’objectif de Borderland.
Les points positifs de ce manga sont assez nombreux, mais je vais essayer de faire une liste non exhaustive de ce que j’ai aimé :
Pour commencer, les personnages, principaux ou secondaires, ont un antécédent, une histoire difficile propre à eux. L’auteur ne se limite d’ailleurs pas à leur donner une histoire de vie, mais va également les décrire avec un aspect psychologique et une personnalité qui leur est propre. Ainsi ces personnages vont traîner leur histoire tel un boulet au bout du pied, dès lors, leur objectif n’est plus réellement de survivre mais surtout de s’émanciper de leur passé afin d’avancer dans ce nouveau monde.
Deuxièmement, les jeux en eux-mêmes. On sent que l’auteur a commencé par réfléchir à ce qu’il voulait que le jeu fasse ressentir avant de construire les règles. On arrive ainsi à des jeux qui sont passionnants et imprévisibles tout en ayant un réel impact sur les croyances et l’état psychologique des différents personnages. En cela, personne n’est à l’abri, les personnages souffrent et se remettent en question continuellement, malgré quelques planches de répit qui font également du bien au lecteur.
Troisièmement, l’intrigue. Malgré un synopsis de départ pas particulièrement unique, Asou Haro réussit à en tirer quelque chose de réfléchi, en se servant des clichés qui ont fait connaître le genre afin de raconter quelque chose. Le fil conducteur de ce manga va servir aussi bien aux lecteurs qu’aux personnages, ainsi ces deux entités en ressortent transformées à la fin du manga.
Le plus poignant est que ces individus, pour la plupart marginaux, qui ne voulaient plus faire parti de ce monde, ce sont battus pour y retourner. Le jeu ne servait alors qu’un seul but, savoir qui voulait vivre au point d’accepter de grandir. L’issu du jeu fait office de résurrection pour ces différents personnages.
Quatrièmement, nous parlons d’un manga, il convient donc d’aborder son style graphique. Le style artistique efficace transmet correctement l'atmosphère et l'intensité de la situation. Quant aux jeux, ils sont bien dessinés et surtout on comprend ce que l’auteur veut nous montrer.
Pour terminer, les tomes qui se démarquent positivement sont le : 3 ; 8 ; 11 ; 18.
Malgré un nombre conséquent de points positifs, je soulignerais le fait que la deuxième phase du manga, qui démarre aux tomes 9-10, est moins fluide, avec un nombre important d’histoires annexes, j’en suis venu à me demander si je voulais vraiment savoir la fin, grand bien m’en fasse d’avoir persévéré.
Pour conclure, je dirais qu’il n’est jamais trop tard pour se lancer dans ce manga, les thèmes abordés sont toujours d’actualité et au vue de la fracture entre la nouvelle génération et la société vieillissante, ils ne sont malheureusement pas là de se dissiper.
PS : Avoir peur de grandir, peur de s’engager, refuser toute responsabilité d’adulte et se réfugier dans un monde imaginaire porte un nom : le syndrome de Peter Pan. Ceci est un vrai trouble du comportement qui peut être guéri à condition de sortir du déni qui le caractérise (anosognosie). Si vous pensez être atteint de ce trouble, n’hésitez pas à consulter un/une psychologue afin de définir les causes de ce trouble en vue de le dissiper.