Loin d’être fan du genre super-héros, plus que novice dans le comics, je peine à deviner les différents antagonistes dépeints dans cette bande dessinée. Ils ne sont pas présentés ni développés, mais étonnement ça ne dérange pas, c’est même presque mieux. C’est une œuvre qui laisse le néophyte se promener dans un asile, musée inconnu rempli de monstrueuses créatures. On prend un plaisir fou à se perdre dans ce cabinet de curiosités cauchemardesques, qui parait étrangement plus irréel que les souvenirs les plus enfouis de Batman.
En réalité, la bande dessinée ne raconte pas grand-chose d’intéressant. On a ces phrases un peu caricaturales et maladroites, « Batman n’a peur de rien ! ». Il y aussi ce discours pas très bien amené du héros qui est en fait un méchant, « J’ai peur de me sentir chez moi à l’asile ». Et puis l’œuvre est courte, la trame est oubliée aussi vite qu’elle est lue. Mais il y a bien une chose qu’on n’oublie pas, ce sont les dessins et le travail de l’ambiance.
En effet, là réside les deux qualités d’Arkham Asylum, des dessins d’une rare qualité avec un style un peu « brouillon », qui transmet avec brio la folie des personnages. Les couleurs sont mortifères, ça tire dans les noirs et dans les bleus, ça donne le cafard. La seule couleur qui tranche dans ces ténèbres, c’est le rouge. Pas le rouge chaud et accueillant, le rouge du sang qui dégouline, le rouge des lèvres et des yeux d’un visage difforme : la couverture donne le ton. Rappel du rouge également dans la police d’écriture du Joker, avec des paroles en dehors des bulles, des caractères déséquilibrés. C’est assez jouissif de lire le Joker jubiler et s’exciter comme un pervers.
On remarque une réelle originalité dans la composition des pages. Chaque flash-back s’accompagne d’un fond sombre, orné d’horloges ou de souvenirs noirs. Sur ce fond se dessine des cases typiques, découpées finement telles des souvenirs éphémères qui montent soudainement à l’esprit du protagoniste. Des images rémanentes qui prennent l’apparence de tableaux, tantôt d’un réalisme photographique, tantôt d’une prise de vue subjective, déformée voire floue.
La déambulation dans l’asile propose également un découpage particulier, parfois des cadrillages de diverses tailles, parfois beaucoup plus désordonné. Au final il n’y a jamais deux pages de suite avec le même agencement des cases, ce qui renforce l’ambiance chaotique de l’ensemble.
Et puis on est également intrigué par tous ces personnages, qui forment une faune totalement démente. On est partagé entre l’horreur et l’onirisme, entre ceux qui sont d’un bleu fantomatique, ceux qui professent l’avènement d’un nouveau dieu et puis il y a ce dragon que Batman combat dans une joute épique. D’ailleurs notre protagoniste n’a pas l’air totalement sain d’esprit non plus et n’hésite pas à nous emmener avec lui dans ses cauchemars.
Même si un peu vide et pédantesque, c’est une bande dessinée concise mais marquante, et qui fait vivre une expérience. Je la conseillerais même à ceux qui n’apprécient pas l’univers de Batman, elle risque de vous surprendre.