L'Astérix qui Picte ton Coeur
Il y a quelques mois, lorsque j’ai vu dans le Roadstrip spécial Angoulême de Davy Mourier (auteur de La Petite Mort, dont je parlerais bientôt), qu’Albert Uderzo avait annoncé un changement d’équipe créative pour le prochain tome des aventures d’Astérix, un frisson a parcouru tout mon corps. Secrètement, j’ai espéré que ce soit Davy lui-même qui reprenne la série, ou que je puisse être sélectionné dans les candidats potentiels, mais surtout je me suis imaginé quelle sensation pourrait ressentir le duo d’artistes qui serait choisi. Sans doute un sentiment similaire à celui qu’a eu Russell T Davies quand il a relancé Doctor Who. Et ma comparaison avec le Seigneur du Temps n’est pas totalement infondée, quand on voit tous les changements de visage que subit le Gaulois au cinéma, ou la popularité/longévité équivalente des deux œuvres.
Dans tous les cas, c’était un pari osé et risqué. Même si les changements de scénaristes et de dessinateurs sont « monnaie courante » aux Etats-Unis, en Europe, la plupart des personnages et des univers de bandes-dessinées meurent avec leurs auteurs, sauf quand il s’agit de descendants des auteurs qui reprennent la série, ou cas exceptionnels comme Lucky Luke. Quoi qu’en disent les gens qui pensent que Le ciel lui tombe sur la tête, c’est déjà une chance qu’Uderzo ait continué la série après le décès de son partenaire et ami, René Goscinny, notre Toutatis à nous, à qui on ne rendra jamais suffisamment hommage. En même temps, du coup, les détracteurs du dessinateur improvisé scénariste vont sans doute dire que de toute façon « Jean-Yves Ferri, le nouveau scénariste, ne peut pas faire pire que ce qui est fait depuis le tome 25. ».
En effet, il n’a pas fait pire, mais l’ultime question est de savoir s’il a fait aussi bien. Didier Conrad, dessinateur qui remplace Uderzo tout en étant supervisé par ce dernier, a produit un travail d’un niveau équivalent, ne trahissant pas les traits des personnages, offrant de magnifiques paysages, Gaulois, comme Ecossais, des caricatures… Il y a peut-être quelques progrès à faire dans la construction des visages mais ça participe aux gags visuels, et je me sens toujours mal placé pour parler de dessin.
Astérix chez les Pictes, comme son nom l’indique raconte l’histoire d’Astérix qui se rend au pays des Pictes afin de ramener un Picte chez lui. Classique. Mais efficace. On ne va pas se mentir en disant qu’on ne peut pas faire aussi bien que Goscinny – même si ce n’est pas totalement faux –, on a réellement l’impression de lire le pilote d’une nouvelle série Astérix, pas au sens où elle est différente, mais au sens où elle serait modernisée – c’est le premier épisode d’une nouvelle saison du coup, pour reprendre un terme audiovisuel emprunté à Vivaldi. Aucun Gaulois, d’Abraracourcix à Panoramix en passant par Obélix n’est oublié. Comme dans le Mission Cléopâtre de Chabat, on reprend tous les codes sans en laisser un seul sur le côté, on les retravaille et on y ajoute de nouveaux éléments, dont certains ont l’air emprunté à Kaamelott qui ironiquement empruntait à Astérix, la boucle est bouclée ! Cet ensemble est extrêmement sympathique, drôle et intelligent, à la fois dans l’humour et dans le scénario lui-même bien construit, rempli de références historiques, de jeux de mots désopilants, tout simplement dignes de Goscinny.
Bilan de tout ça : cet Astérix le Gaulois 2.0 sans être une révolution dans la bande-dessinée franco-belge est le point de départ brillant d’une nouvelle vie pour Astérix et Obélix, dont on ne pourra attendre que le tome 36 et une éventuelle plus grosse prise de risque scénaristique pour dire que Ferri et Conrad sont meilleurs ou moins bons que Goscinn et Uderzo, mais pour le moment, la relève est assurée !