Sans faire d'archéologie, il faut malgré tout placer "Astro Boy" dans son contexte : c'est l'un des premiers mangas ayant connu un succès mondial, y compris en France dans les années 1970-1980. Il soulève donc de la part de ses lecteurs de l'époque de fortes réactions émotionnelles, liées à une nostalgie bien compréhensible.
Cette anthologie en cinq volumes peut juste nous donner une idée de l'univers d'Astro Boy, sans évidemment être en mesure de fournir tous les épisodes mémorables de la série.
Astroboy, petit robot se substituant à un véritable enfant, fabriqué par le professeur Tenma, est impliqué dans des aventures plus ou moins extravagantes et combat de vilains malfrats aux projets maléfiques, dans une atmosphère où il est souvent question de robots et de science-fiction. Astroboy va à l'école des robots, où enseigne le policier moustachu Hige Oyaji (belles moustaches en crocs de morse), et parrainé par le savant Ochanomizu.
Astroboy oscille quelque part entre Pinocchio (le rapport de la marionnette robotisée à l'enfant de chair et d'os, avec ce que cela suppose de débats sur l'existence de sentiments et de morale chez les robots), Goldorak (il faut le voir voler à grande vitesse dans l'espace) et les super-héros Etats-Uniens (Astro Boy est super costaud, invulnérable aux balles, et vêtu d'une culotte très Superman).
L'univers n'est pas d'une cohérence irréprochable : Astro Boy refuse parfois de quitter le Japon, parce qu'il encourrait alors des sanctions, ce qui ne l'empêche pas, dans l'histoire suivante, de fouler aux pieds cet interdit sans se poser la moindre question. De même pour la règle qui veut que les robots ne nuisent pas aux êtres humains : elle sert ici, mais ailleurs on s'en moque. A ce propos, un appendice tend à accréditer le fait que Osamu Tezuka a inventé pour Astro Boy ses propres lois de la robotique, avant même celles d'Asimov.
De petits appendices où l'auteur, Osamu Tezuka, se met en scène lui-même, montrent les difficultés de l'élaboration et de la publication d'Astro Boy, et font allusion aux problèmes de coût de l'animation des années 1970-1980, où l'on réduisait le nombre d'images par seconde pour limiter le prix de la réalisation.
Un des charmes d'Astro Boy est de faire référence à quelques éléments réalistes du Japon: la réputation des Tokyoïtes, le Kouroshio, des créatures surnaturelles issues de la tradition mythologiques japonaises, etc.
Astro Boy est bon et moral, et tente souvent de remettre du côté du Bien des humains et des robots qui sont passés du côté de la délinquance. La naïveté du récit est agrémentée d'une forte imagination concernant les formes des monstres et des robots en présence.
On peut reprocher aux récits de surprenantes ellipses : on saute parfois du coq à l'âne sans explications, en introduisant sans préparation de nouveaux personnages, et en laissant sans utilité particulière une action en suspens.
La mélancolie n'est pas exempte des récits: Astro Boy qui doit se laisser croire mort par une jolie petite fille, un savant qui devient méchant parce qu'on détruit la forêt autour de Tôkyô (je me sens très concerné !), un autre qui devient méchant parce qu'il croit sa mère morte et humaine...
Lisons ces histoires avec l'oeil de l'enfant pour qui les règles de la physique ne s'embarrassent pas de contraintes...