j'aimerais avant de débuter la critique rappeler une tradition dans laquelle je vais me lancer.
Une tradition connue mais pas toujours appliquée : commencer par parler du positif avant de défoncer une oeuvre.
Oui, j'accorde au Dark knight returns de proposer des moments iconiques intéressants, comme le combat final contre Superman avec certaines postures des deux protagonistes qui sont intéressantes et possèdent une allure épique, des compositions occupant toute une page où l'on ressent une vraie recherche graphique, certaines idées intéressantes comme
le traitement de la mort du joker
, l'idée d'un futur dystopique ou le lieux de lutte entre Batman et le Joker dans un parc d'attraction, adapté au clown prince du crime.
ça c'est fait, maintenant,
Une remarque que peu de gens ont pu faire et sur laquelle je rebondit c'est tout d'abord la qualité des dessins, peu aboutis, à peine des croquis, avec parfois des sales gueules mais genre vraiment pas dans le bon sens, des rangées de dents trop carrées, donnant parfois l'air à batman d'avoir 70 piges et un dentier alors qu'il est supposé en avoir 55.
Et pourtant, les dessins de Miller sont loin d'être une abomination en temps normal, suffit de voir n'importe laquelle de ses autres oeuvres : Sin city, 300, ou Daredevil pour rester dans le registre.
Là, les dessins étaient aboutis, y avait même un sens de la mise en scène crépusculaire avec des formes générales noires sur un fond de couleur plus expressif qui n'auraient pas été de trop pour TDKR.
Le problème étant également les couleurs justement, je ne comprends pas que Lynn Varley ait pu faire un truc aussi fade alors je sait que c'est supposé être "sombre" mais là on sent vraiment peu de texture, ou même de variété de couleurs, de dégradés etc...
Concernant le découpage,
Le plus atroce est clairement les scènes des médias et des interventions télévisées, un des éléments qui m'a vraiment fait décrocher du bouquin : c'est d'un statique! le niveau zéro de narration.
Les cases sont toutes carrées et on ne voit que ça sur toute une page, avec une composition de l'écran du téléviseur similaire puisque toujours focus sur la présentatrice et donc très similaire.
Toutefois on retrouve certaines images épiques par moment, quelques exemples que j'ai cité plus haut.
Une assez maigre compensation.
A propos du récit,
Miller est régulièrement accusé de fascisme dans cette oeuvre par certains, je ne vais pas leur donner tort, toutefois le terme me parait légèrement exagéré.
Disons que, la question d'associer le vigilantisme au fascisme me parait un peu facile, mais dans le cas présent, vas-y que ça parle de corruption des élites, des vilains punks, d'une guerre sans victimes, incitant à l'isolationnisme et que le psychiatre convaincu de la réhabilitation du Joker (efféminé en contraste avec Batman le male alpha le vrai) se fait contredire et tuer en direct par son protégé, donnant raison à la justice arbitraire de Batman, n'hésitant pas cette fois à tuer, donnant raison à la peine de mort, se moquant du pacifisme et de l'espoir en tout être humain, peut être cela est-il trop hippie pour Miller.
Toutefois je ne pense pas que le concept de Batman en fasse nécessairement un fasciste, tout dépend de ce que tu lui fait faire, de comment tu le lui fait faire et de comment tu le traites (à ce titre j'ai du mal à voir le Batman de Dini être un fasciste tant il est aux antipodes de celui de Miller, avec une graine d'humanité et remettant les malfrats aux mains des autorités appropriées).
Je concluerais sur le fait que je pense que cette oeuvre prouve selon moi que le statut d'oeuvre culte ne suffit pas à déterminer la qualité de ladite oeuvre.
Frank Miller a adopté un ton plus mature et plus sombre, changeant la conception du grand public, s'adaptant au ton qui plaisait à ce dernier à l'époque, créant un succès fou ,convaincant la Warner de lancer le projet d'adaptation de Batman au cinéma, entre les mains de Burton, en faisant une bien meilleure oeuvre au passage.
Cette oeuvre a marqué son époque, et a fixé un ton particulier pour Batman, le faisant évoluer, il n'en demeure pas moins que l'exécution n'est pas aboutie, c'est illisible c'est moche et c'est pas particulièrement bien écrit en ce qui concerne les monologues internes (exception faite de celui sur Batman qui parle à Bruce comme si les deux étaient dissociés).