Premier point, et non des moindres, si ce n'est le principal, c'est une lecture très plaisante. Voilà c'est dit. Donc si vous hésitez, n'hésitez pas en fait.
Évacuons rapidement la partie graphique. Sean Murphy est clairement fort. Parfois inspiré (Batman, Harley, M.Freeze par exemple) parfois moins (Killer croc, Bane pour ne cite qu'eux). Selon moi, bien entendu. Selon les syndicats ou la police, aucune idée. Mais il y a quelques fulgurances et les couvertures sont tous simplement magnifiques.
Le narration est fluide, Murphy a déjà roulé sa bosse est maîtrise son sujet. On est pas dans l'éclat de génie mais dans une exécution rondement menée. Et il faut s'en contenter je crois, l'originalité venant plus du propos au final.
Petit bémol pour moi, les couleurs. Alors rien de catastrophique, ni de véritablement bâclé. Mais le choix s'est porté sur des couleurs assez sombres. Plutôt peu contrasté. Dans des ton plutôt pastel, avec des ambiances (pour le coup plutôt maîtrisées). Ce que j'entends par ambiance ce sont des déclinaisons d'une même couleur sur une même scène, pour soutenir le rendu global. Ne crions pas ici au génie c'est fait régulièrement en BD. Et ce n'est pas fondamentalement le problème. Mais je trouve que ce traitement atténue ou brouille le contraste du dessin de Gordon qui s'épanouirait avec plus de place pour ses noirs. Voilà c'est dit. Le genre de comics qu'il faudrait zyeuter si d'aventures une édition N&B était proposée.
Maintenant l'histoire. Ceux qui s'attendent à une proposition centrée sur la relation entre Batman et le Joker risque d'être déçu. D'ailleurs le Joker apparaît finalement peu. «Quoi ?! Mais euh ! C'est ce que vend la couverture !». Oui. Bienvenue dans le monde du comics.
Mais qu'on s'entende bien, ce n'est pas fondamentalement un problème. Ce qui nous est proposé ici parle plutôt d'une alternative à Batman, dans une projection (pas si originale) où Batman serait un vigilant un peu trop violent et perdu dans son combat. Que reste-t-il à Gotham ?
La réponse viendra peut-être d'Harley Quinn, de Batgirl, de Nightwing voire de Gordon.
D'ailleurs la relation entre Batman et ses acolytes est particulièrement soignée j'ai trouvé. Et aurait peut-être mérité un approfondissement. L'histoire s'arrête aussi substantiellement sur la relation d'Harley avec son Joker, avec un petit air frais pas deplaisant.
Et tout cela relativement maîtrisé.
Au niveau des faiblesses, on retrouve quelques stéréotypes propre à une histoire de Batman, un peu superflu. La horde de vilain sous contrôle, pour constituer un super-casting a peu de frais (même si le pourquoi du comment est un peu malin). La découverte d'un petit mystère de la famille Wayne, sans grand intérêt quand même. Et quelques autres. Tout ça est attendu. On le sait quand on ouvre un comics Batman, ils seront là, c'est comme ça. C'est pas tellement gênant ici, parce que pas si grossier. Juste en trop, disons.
Alors quel intérêt, me demanderez-vous.
En réalité, au delà du plaisir des yeux, Murphy propose quand même un petit inédit. Batman vs. Jack Napier, l'identité civile du Joker. Et si le début nous laisse à croire que Batman perd Gotham au profit de Napier, on comprendra à la fin que Batman est surtout perdu pour lui-même et ses proches. Le deuil d'Alfred et la difficulté de son combat l'ont aveuglé. Pendant ce temps Napier tire profit de la situation. Mais Batman une fois retrouvé pour lui et les siens, n'est pas fondamentalement mis en défaut par Napier. Napier perd contre lui-même, contre le Joker et sa créature la neo-Joker (malheureusement assee insipide).
Et qui sauve tout ce beau monde alors ? Harley Quinn, qui en tant que bon médecin, a diagnostiqué le problème et mis en place le traitement.
Alors tout ça, si c'est pas sans faiblesse parfois, a le mérite d'être cohérent. Et c'est déjà pas mal.
En conclusion, une histoire sympa, solide avec quelques originalités, se traînant quand même quelques stéréotypes mal digérés, sous le trait superbe de Murphy malgré des couleurs qui ne le serve pas.