Constat numéro 1. Les années 2000 voient fleurir en Occident bon nombre de pinceaux de la jeune génération adeptes du manga-style, oublieux de leur propre bande dessinée, ou rappelant son existence dans de mauvaises imitations de Franquin. Constat numéro 2. Le manga, au Japon, a puisé dans les années 70 beaucoup de son inspiration dans la culture pop occidentale – pour la recycler, bon gré mal gré, mais avec ce constant surplus d’énergie reproductrice et incandescente. Constat numéro 3. Berserk, manga de Miura Kentarô dont le premier tome est sorti en 1989, et le 37ème cette année, est une odyssée médiévale fantastique puisant son inspiration dans la mythologie nordique du Ragnarök, dans les écrits de l’Europe moyenâgeuse, dans la tragédie grecque antique – tout un programme. Et certains, beaucoup, en Occident comme sur l’archipel, en attendent la fin depuis maintenant vingt-quatre ans (!). Et ils continueront de l’attendre, tant que l’épopée, objet d’un des plus grands cultes dans le monde des mangafans, continuera de briller par sa grandeur désuète, sa narration exceptionnelle, son humanité massive et hurlante, et le pinceau de maître de son auteur. Constat numéro 4. Berserk, qu’il soit dessiné ou animé (dans une série de 25 épisodes produite en 1997), nippon pur jus ou fils illégitime de notre précieuse mimésis, est une des plus grandes œuvres que la bande dessinée ait engendrée, tant elle surclasse le reste, tout le reste, tant par l’intelligence sidérante de la mythologie qu’elle élabore, que par la rage et l’esthétique jamais gratuites qu’elle insuffle aux corps à corps qui la parsèment, vaste champ de bataille universel dans lequel se côtoient également l’espoir et le désespoir, le désir de vivre et l’inéluctabilité de la mort, l’amour jaillissant des masques impassibles que la barbarie humaine a prêté aux visages. Non, ce n’est pas du lourd.
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