Référence seinen du genre cyberpunk, BLAME! est de ces titres ne laissant pas indifférent, ceci au gré d'une lecture on ne peut plus singulière tant elle paraît unique en son genre ; découvert du temps du collège, ce manga phare de Tsutomu Nihei m'avait alors suffisamment marqué pour que je me décide à l'acquérir récemment, bravant les obstacles et affres du monde de l'occasion (le volume 9 se fait rare).
Ce qui dénote encore aujourd'hui est son intrigue pour le moins obscure, Nihei nous précipitant au sein d'un univers futuristico-glauque avare en explications dignes de ce nom : ce mystère ambiant est incarné de fait par Killy, figure principale taciturne soulevant davantage d'interrogations que de réponses, mais l'on suit sa quête de terminaux génétiques (késako ?) malgré tout avec attention...
Voilà ce qui est fort avec BLAME!, son récit nous captivant tout en faisant l'économie de dialogues, ceci au profit d'une majorité de cases imprégnées d'un gigantisme silencieux, parfois entrecoupées de séquences d'action foutrement explosives ; à cela s'ajoute des éclaircissements drapés ou n'en étant pas vraiment, au point de perdre le lecteur, tandis que les termes techniques ne facilitent en rien sa compréhension (les aléas de la traduction non plus certainement).
Bureau gouvernemental, résosphère ou encore silicates, une pléiades de bizarreries composent le sombre univers parcouru par Killy, environnement mêlant technologies avancées à un chaos ambiant pour le moins barbare ; le tableau dépeint par Nihei apparaît de fait comme profondément pessimiste, la dégénérescence de l'humanité, réduite à d'éparses tribus, y côtoyant mutants surpuissants et une multitude d'IA incontrôlables.
Par ailleurs, l'Adventure-seeker qu'est Killy s'avère rapidement impersonnel en soi, celui-ci poursuivant sans discontinuer sa mission avec une ténacité tenant de l'impensable ; si l'on met en doute très rapidement une prétendue condition humaine l'animant, la carence d'approfondissement le concernant fait écho à la trame alambiquée de BLAME!, dont les innombrables extrapolations formulées à son sujet renvoient à un ensemble aussi bordélique que génial.
Bref, on se raccroche tant que l'on peut au fil directeur des terminaux génétiques, dont la recherche nous précipite au sein d'abyssales mégastructures ; déjà atypique dans le fond, le manga s'illustre tout autant dans la forme au travers d'un trait architecturale prodigieux, celui-ci soulignant avec d'autant plus d'impact l'immensité de cet univers situé où l'on ne sait où (Peut-être sur Terre. Peut-être dans le futur).
Si le chara-design des figures humaines pèche cependant de par son uniformité, il en va tout autrement pour les diverses entités artificielles comme mutantes, les silicates étant en ce sens tout aussi variées qu'impressionnantes ; l'utilisation du fameux émetteur de positron (ou de rayon gravitationnel, au choix) accouche quant à lui d'un graphisme soulignant toute l'énormité technologique composant BLAME!, Nihei sublimant la destruction ambiante à l'aide de son trait vif sacrément fouillis, mais dont le paradoxal soucis du détail concorde avec sa narration visuelle.
Happant de bout en long, BLAME! nous rend donc accro avec une aisance folle, bien qu'il convienne d'en souligner les évidentes limites scénaristiques ; le personnage de Shibo, ou encore les arcs Mainserv / Davinelulinvega, compensent toutefois cet état de fait, ceux-ci s'inscrivant dans une trame distillant les informations avec une parcimonie maladive, le tout auréolé d'une atmosphère dérangeante multipliant les coups d'éclats.
Clairement perfectible, BLAME! fait de ses défauts une source d'originalité légitimant son statut d'oeuvre culte ; couplé à un design unique en son genre, son récit nerveux affiche une constance des plus appréciables, bien que l'on puisse regretter l'absence d'une réelle et intelligible portée scénaristique, son univers cyberpunk s'y prétend bien.
En résumé, sous ses dehors de périple SF expérimental dans le fond comme dans la forme, BLAME! vaut indéniablement le détour, bien que sa lecture pourra en désarçonner plus d'un... non sans captiver à souhait !