Le bleu est une couleur chaude, très chaude
Devant la longévité conséquente des standards du genre (One piece ou Naruto pour ne citer qu'eux), longévité confinant parfois à l'obscène (Bleach), il est agréable de voir souffler sur le bon vieux shonen d'aventure/action un petit vent chaud et bleu. De fait, du haut de sa dizaine de tômes, Blue exorcist tend déjà à s'imposer comme une des futures références du genre.
L'intrigue est assez classique des shonen actuels. Le héros, Rin Okumura, 15 ans, mène une vie normale d'adolescent un peu mal dans sa peau dans la maison de son père adoptif, le prêtre Fujimoto. Soudainement, le jeune homme se met à voir d'étranges créatures maléfiques. Quand l'une d'elle, ayant pris possession du corps d'un autre adolescent, manque de le tuer, les pouvoirs latents de Rin se déclenchent. Le malheureux a en effet hérité des flammes bleues de son véritable géniteur, Satan lui-même, dieu du mal qui règne sans partage sur les démons de la Géhenne, sorte de monde infernal qui coexiste avec Assiah, le monde normal. Peu après, le père Fujimoto se sacrifie pour sauver Rin du dieu maléfique après que celui-ci ait réussi à prendre possession de son corps. Le garçon fait alors serment de terrasser son père démoniaque et décide pour cela de rejoindre l'Académie de la Croix Vraie où son frère jumeau Yukio étudie déjà. Cette école, dirigée par le mystérieux Méphisto Phéles, forme des exorcistes, des combattants aptes à lutter contre les démons qui tentent de s'introduire sur Assiah pour y semer le chaos (même si tous ne sont pas maléfiques). L'adolescent doit donc apprendre à apprivoiser sa nature satanique et l’extraordinaire puissance qui est la sienne, ce qui ne manque pas de susciter la méfiance voire l'hostilité de ses pairs.
Le premier atout de réside Blue Exorcist réside incontestablement dans un univers fouillé et cohérent, aux thématiques assez sombres, qu'on ne demande qu'à voir s'agrandir. Kazue Kato se plaît à mélanger avec une certaine originalité références bibliques avec les mythologies japonaise et bouddhiste, le tout sur une toile de fond tantôt scolaire, tantôt science paramilitaire de l'occulte. L'univers comme la lecture sont d'ailleurs enrichis par de nombreux bonus qui agrémentent chaque tome pour le plus grand plaisir des amateurs de détails (strip bonus, fiche descriptive de personnage, etc.).
Autre point fort du manga, le character-design, très divers, est un régal, tant au niveau des personnages que du superbe bestiaire des démons et autres familiers tandis que les exorcistes, aspirants et confirmés, ont tous une identité graphique et émotionnelle bien a eux. Le tout nous est servi par un trait fin et varié, tantôt sombre, tantôt délirant, en tout cas toujours agréable.
Le manga n'est évidemment pas exempt de défauts mais rien de rédhibitoire.
On peut par exemple regretter que le personnage de Yukio soit... le frère jumeau de Rin ! A 15 ans à peine, le bougre est déjà titulaire d'une chaire à l'académie (certes les japonais ne sont pas vraiment des humains mais tout de même...) et bourré de complexe jusqu'à la moelle. Résultat, on peine à s'attacher à ce brave binoclard un peu psychorigide, à la fois trop jeune et trop mature pour être vraiment crédible. Qu'à cela ne tienne, le directeur de l'Académie de la Croix-Vraie, le très faustien et délirant Mephisto Pheles, vaut à presque à lui seul le détour.
De même, la trame narrative, quoique bien rythmée entre action, humour et drame, est loin d'être originale. Le manga reste également fidèle à de nombreux codes du genre : le héros à la puissance potentiellement démesurée, un peu naïf et bourrin au possible, l'inévitable katana, le personnage féminin à la poitrine généreuse et la jeune première un peu gourde, les petits animaux "kawaiiiii". Cependant, la mangaka ne se borne pas à les reproduire servilement mais en joue parfois à la limite de la parodie. A titre d'exemple, la plastique de Shura est soulignée avec humour. Pour ce qui est des armes des exorcistes, les automatiques de Yukio, les lance-flammes (!) et autres pétoires des Dragons concurrencent avec efficacité les sabres enchantés et les khakkara (bâtons de cérémonie) des Paladins. Les familiers, tout mignons qu'ils soient, ont des caractères bien trempés. Enfin, le vocabulaire familier de certains personnages, même s'il est parfois un peu exagéré, fait un bien fou en terme de crédibilité et renforce l'identité des personnages, bien loin des dialogues ampoulés et souvent creux de Bleach par exemple.
Par ailleurs, s'il est difficile de ne pas songer à d'autres pontes du shonen à la lecture de Blue exorcist, ce dernier a su se forger une personnalité bien trempée. La parenté la plus flagrante reste l'ascendance démoniaque du protagoniste et le cadre scolaire, qui sentent le démon-renard à plein nez. Pour autant, Kazue Kato se démarque de Masashi Kishimoto en traitant avec humour et finesse des thèmes de l'adolescence (les premiers amours, l'envie de se faire des amis, les rivalités, etc., présents chez l'auteure de Naruto mais rapidement mis de côté) plutôt que d'enchaîner combat sur combat. De plus, s'il est facile de crier au renard en pointant les similitudes bien réelles entre Blue Exorcist et Naruto, il serait tout autant possible de faire un parallèle avec Hunter X Hunter, tant l'univers de Kazue Kato semble prometteur par sa profondeur et son originalité (reste à savoir si nos attentes ne seront pas deçues). De même, les lecteurs tatillons pourront dire que, en termes d'originalité, Blue exorcist a le tort d'arriver après D Gray man dont il partage le thème de l'exorcisme. Sauf que le premier joue la carte de l'exorcisme à l'orientale, bouddhique là où le second se réclame d'un d'inspiration directement chrétienne, tous deux se distinguant de façon nette sur les plans graphique et thématiques.
En un mot, Blue exorcist réussi le tour de force d'être un shonen pur souche sans s'enferrer dans les codes du genre tout en se forgeant une identité propre qui mérite le détour : un manga bigrement prometteur dont je brûle (sans mauvais jeu de mot) de connaître la suite.
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