Oyasumi Punpun est vraiment une œuvre particulière. Elle est très loin de tout ce que j'ai pu connaître jusqu'à présent. Pas pour l'histoire qu'elle relate, mais plutôt pour la façon dont elle la relate. Asano Inio mêle absurdité et réalisme comme deux couleurs sur une toile. Le contraste est, pour dire les choses simplement, frappant. Peu d'autres histoires peuvent se vanter d'avoir réussi à amener cette dualité avec autant de finesse et de subtilité.
Tous les personnages d'Oyasumi Punpun sont humains. C'est bouleversant. On ne les comprend pas toujours, on n'arrive pas à se mettre à leur place. On ne s'y identifie pas. On les observe. Exactement comme dans la vie. En ce sens, c'est ce qui fait que cette histoire est aussi particulière. C'est là tout le réalisme de l'œuvre. Certains pourront reprocher sans doute une vision trop pessimiste de la vie, des histoires bien trop mélodramatiques, beaucoup trop de pathos... Mais au final, n'est-ce pas ce qu'on croise dans la vie ? Aucun des événements d'Oyasumi Punpun n'est invraisemblable. Pas plus qu'une attaque nucléaire. Asano n'a pas pris le parti de montrer des événements tristes « parce qu'ils sont tristes ». Il les narre parce qu'ils existent, parce qu'ils sont là, même s'ils ne sont pas forcément dans la vie de tout le monde. C'est un peu se mettre sur les mains sur les yeux que de parler de pathos lorsqu'il s'agit de violence familiale, de cancer, de mort accidentelle... ou même de quête d'identité.
Le but d'Oyasumi Punpun n'est pas d'émouvoir. C'est plutôt une œuvre qui invite à la réflexion. À mieux observer. Mais aussi à agir. Ce n'est pas une sob-story comme on en voit beaucoup, surtout ces temps-ci. Et pourtant, je me dois de l'admettre : malgré le fait que ce ne soit pas son but premier, Oyasumi Punpun m'a bien plus touché que la plupart des œuvres qui visent spécifiquement à le faire. Je me sentais vide à la fin de certains chapitres. Je refermais toujours chaque tome avec un goût âpre dans la bouche. Je ne pense pas pouvoir en dire autant pour beaucoup d'histoires.
Le parti pris d'Asano est sans doute ce qui a fait le plus parler de cette œuvre. Un héros à tête de poussin qui vadrouille dans un décor réaliste, et un Dieu avec des lunettes et une coupe afro. J'ai vraiment du mal à mettre des mots là-dessus, mais j'ai trouvé que ça ajoutait une profondeur sans précédent au résultat final. Asano ne se contente pas de raconter des événements, il les illustre vraiment. Les expressions sont vivantes, le découpage des cases est agencé de façon à vraiment mettre en valeur certains événements ou dialogues. Le format du manga a rarement été aussi bien exploité.
La dégaine de la famille de Punpun est présente pour donner au récit un petit sentiment absurde. « C'est bien de la fiction. » Sans croiser la tête de poussin de Punpun ou de ses parents à chaque coin de page, on aurait presque tendance à l'oublier, tant les événements décrits ici sont accablants de réalisme. Les situations les plus cocasses et irréalistes, comme celles qui concernent la secte, ou même les réactions de certains personnages qui pètent les plombs... sont-elles si absurdes que ça ? Est-ce qu'on peut vraiment se dire qu'on ne verrait jamais ce genre de choses dans la vie de tous les jours ?
Bien sûr que non. On ne peut pas l'affirmer avec certitude. Et c'est terrifiant.
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