Avant toute chose, je tiens à préciser que cette critique sera riche en spoil.
Il m'est difficile d'aborder ce manga de façon objective, tellement j'ai appris à en apprécier l'univers et le jeu de cartes autour du quel il tourne. Mais je dois reconnaître qu'il est un fleuve de fautes de narration, une mer de niaiserie, et un océan d'incohérences. Les défauts dont il fait preuve sont extrêmement lourds, et très difficilement pardonnables. Pourtant, j'arrive à passer outre et à adorer ce qu'il a à offrir. Tout simplement parce que son potentiel est trop grand pour que je ne puisse pas l'apprécier, même si toute cette force n'est pas mise à bon escient, voire même gâchée par certaines mauvaises idées scénaristiques.
Les défauts et les problèmes de Yu-Gi-Oh! sont légion. Je pourrais faire comme tout le monde et souligner que les cartes changent parfois d'effet au beau milieu des duels, que les règles sont souvent carrément mises de côté au profit des héros, que la logique n'est pas au rendez-vous... Mais autant aller plus loin et vous parler des circonstances de certains duels, qui n'ont l'air de ne choquer personne. Tout est dramatisé à outrance, et on est souvent amené à se demander où est la putain de police de Domino. Ça ne choque que moi qu'il y ait des duels à mort presque tout le temps une fois qu'on a passé le tome 20 ?
De plus, le principe des objets millénaires est souvent flou. On ne comprend pas très bien ce qui se passe avec les personnalités Yami des antagonistes tels que Bakura et Marik. Ce n'est vraiment pas très clair, même si je pense en avoir compris un peu le principe. Je trouve que ça reste quand même un peu grossier et pas très éclairci, ce qui est dommage, puisque le thème derrière n'est autre qu'une dualité similaire au principe du yin et du yang. Mais au lieu d'expliquer ça comme ça, on a des espèces d'explications pseudo-scientifiques qui n'ont ni queue ni tête et ne veulent rien dire, et des situations capillotractées au possible. Je pense même qu'on pourrait dire que l'univers de Dr. Slump est plus cohérent, passé un certain stade.
Mais moi, ce qui me choque le plus, c'est de lire des avis (pas que sur ce site, hein, je l'ai entendu ailleurs aussi) qui disent « c'était mieux avant que le jeu de cartes entre en scène » ou « l'arc final, dans l'Egypte antique, rattrape cette saloperie de Battle City » ... Pardon ? Ces arcs là sont tout aussi incohérents que ceux de l'île des duellistes et Battle City. Surtout celui qui est dans les mémoires d'Atem, et surtout surtout surtout le délire du Dark RPG avec Yami Bakura, qui n'est qu'un gros n'importe quoi parti d'une idée pourtant pas mauvaise mais exploitée aussi maladroitement que l'aurait fait un gamin de 7 ans.
Je ne comprends vraiment pas pourquoi tout le monde s'obstine à dire que le jeu de cartes a pourri Yu-Gi-Oh!. Je n'ai rien contre le fait qu'on n'aime pas, évidemment. À mon humble avis, je pense que oui, le jeu de cartes a retiré à la série son côté occulte qui mettait en scène Yami Yugi en tant que roi des jeux, mais il ne faut pas oublier que ça a apporté un grand point positif à l'œuvre : ça lui a donné un fil rouge. Parce que je tiens à rappeler qu'avant, les événements s’enchaînaient avec une logique bancale, et que les personnages manquaient encore plus de personnalité que par la suite. Certes, ils resteront pour la plupart des clichés monstrueux du début à la fin, mais je pense sincèrement qu'au tout début, c'est encore pire qu'après. Surtout pour Kaiba et Mokuba qui ne pissent pas plus loin que « olol on est des maychans au passé tragique et on est pas contents d'avoir perdu contre Yugi donc on va utiliser le fric de notre super entreprise pour le soumettre à des épreuves qui risquent de le tuer ! ». Malgré les débuts carrément glauques de la série, je pense que le jeu de cartes a forgé dans l'esprit de l'auteur une idée plus claire de ce qu'il comptait faire de sa série (parce que ça se voit qu'il l'a commencée un peu hasardeusement et s'est fié à ce que lui disait son éditeur sans trop y réfléchir... et qu'il a choisi de garder le principe de Magic & Wizards parce que c'est un domaine qui lui plait, et il a réussi à trouver de très bonnes idées pour mettre en scène tout ça).
Voilà voilà. Même si j'étais longtemps resté en froid avec le manga de Yu-Gi-Oh! et m'étais dit qu'il valait mieux l'oublier pour ne garder en tête que le jeu de cartes, finalement, en relisant tout ça, j'ai réussi à me réconcilier avec. Ça ne m'empêche pas de grincer des dents en pensant à tous les défauts qui le parsèment, mais je pense que son intention est bonne, malgré le fait que le produit final aurait pu être plus réussi. Pour moi, Yu-Gi-Oh!, c'est surtout un manga qui demande d'être réécrit de façon plus adroite, en retirant les éléments défectueux et les incohérences, pour en faire un truc qui claque vraiment. Et c'est en cet honneur que, malgré tout, j'apprécie ce manga.