Mal-être.

Punpun Onodera est un petit garçon qui va tomber fou amoureux d'une nouvelle arrivée dans sa classe, Aiko. Ils se jurent comme promesse que si l'un trahit l'autre, il (elle) tuera l'autre.
Ainsi démarre ce manga complètement hallucinant, signé Inio Asano, grande découverte de 2015 (après la lecture de La fille à la plage), car il met le doigt sur le mal-être qu'on peut avoir, où la vie ne nous fait pas de cadeaux, au risque de l'aliénation, de la folie.

Le parti-pris de l'auteur est en soi vraiment particulier, au risque de rebuter son potentiel lectorat.
Commençons par les couvertures des 13 volumes composés par la série ; elles sont complètement vides, avec une seule couleur, sauf un vague dessin qui est en relief, mais ça donne à l'oeil une sensation de vide.
Ensuite, pour parler de Punpun, c'est clairement un personnage qui, pour ainsi dire, n'existe pas ! Alors, bien sûr, il est présent durant tout le manga, mais il est sous différentes représentations ; soit une sorte de piaf avec des membres filiformes, avec une tête qui change d'aspect selon son humeur, voire son mental, mais il est très rarement montré en tant qu'homme. C'est également le cas de sa famille, sa mère, son père ou son oncle, tous représentés de façon grossière.

Par cet aspect, je pense qu'Asano a voulu créer une personnification du lecteur vis-à-vis de ce personnage très étrange, et qui ne parle pas directement, sous formes de bulles. Ses paroles sont dans des cases noires, un peu comme des didascalies. Alors que tous les autres personnages du manga sont représentés de manière normale, y compris Aiko.

On le sait, l'adolescence est une période où on se cherche, bonne ou mauvaise chose. Sauf que Punpun est tellement conditionné par son entourage, par un père qui quitte sa famille, par sa mère qui a du mal à joindre les deux bouts, qu'il va aller de mal en pis. Il va bien rencontrer d'autres gens, des femmes avec qui il couche, mais il rest dans un océan de noirceur, dont seule Aiko représente une couleur.
Il faut dire que ça part souvent dans plein de directions à la fois, on parle d'un illuminé qui veut se présenter à des élections, de Punpun qui voit comme représentation de Dieu une énorme tête avec une coupe afro, mais avec le recul, ça présente une véritable cohérence dans le sujet.

Pour parler du dessin, il est fantastique, avec une représentation extrêmement réaliste ds cités japonaises, avec des cadrages cinématographiques où il y a un véritable travail de perspective. Certes, il y a de la retouche numérique, mais le niveau de détail est foisonnant avec le paradoxe du dessin extrêmement simplifié dans la représentation de Punpun, d'un vaisseau extraterrestre ou … du dieu caca !

Je veux laisser la surprise aux futurs lecteurs, mais il vaut mieux savoir que Bonne nuit Punpun est un manga réservé à un public averti. Non seulement il y a du sexe, mais également du nihilisme qui peut décourager les plus optimistes d'entre nous. Et cela ne va aller que de mal en pis, car on ne lit pas ce manga comme n'importe lequel. Il faut une grande disponibilité, car la lecture y est dense.
On sent bien que Inio Asano a fait ce titre comme il l'entendait, et si c'est un auteur qui commence à monter, c'est un titre comme ça, qui a sans doute dérangé les Japonais (et le reste du monde) par son propos jusqu'au-boutiste.

La lecture de ces treize tomes (dont je dois dire que la fin est fermée) a été un moment très fort, car je ne m'attendais à une telle violence, en plus de trouver ça sublime graphiquement parlant.
Je ne recommande pas ce manga à tout le monde, car tant de noirceur peut être étouffante, mais Bonne nuit Punpun est un manga incroyable, qui a atteint mon Panthéon des œuvres phares.