Une bande-dessinée sur un thème passionnant et difficile : la période d'occupation vu du côté des femmes. Nous restons donc à Paris, l'action se déroulant principalement dans un appartement avec tout son lot de personnages englobant la majorité des expériences narratives que l'on peut imaginer durant cette période : la femme qui a son mari emprisonné et qui tombe amoureuse d'un jeune et bel officier allemand, la jeune éprise d'idéaux qui rêve de résistance, la résistante, celle qui s'exclut des questions liés à l'occupation et angoisse à l'idée de ce qu'il y aura dans le garde-manger, la mère juive et son fils caché. Evidemment, la collaboration est un spectre menaçant et malgré les liens de solidarité, une méfiance naturelle s'installe devant les comportements suspects.
Le secret est au coeur du livre, de cette période. Cela est bien retranscrit. Mais le principal écueil est la trop grande ambition de cet ouvrage. Chacun des portraits racontés plus haut aurait mérité un ouvrage à lui seul, pour entrer dans l'intimité des personnages, toucher du doigt les doutes, les tiraillements, les contradictions. A vouloir tenter d'embrasser toute la complexité de cette période, les auteurs se perdent un peu dans des intrigues secondaires au point qu'on ne sait plus vraiment à qui et à quoi l'on s'intéresse.
Le dessin reste de bonne facture sans non plus être ma tasse de thé. Il y a de plus un côté un peu mièvre et une insistance un peu pesante sur l'émotion et le dramatique. Mais c'est un point de vue tout à fait personnel, cela peut satisfaire d'autres personnes. J'ai quand même quelques gros bémols sur les parti-pris. Le seul allemand présenté ici est doux, attentionné, protecteur. Les français, à part le personnage de Camille, sont des salauds, qui battent leurs femmes ou ont commis des viols. Et la fin sur l'épuration est trop vite expédiée, alors que c'est aussi un phénomène complexe. La manière dont elle est présentée révèle le point de vue du personnage, soit, mais il y a un manque de mise en contexte qui rend la scène maladroite et dérangeante.
J'aurais donc apprécier plus de contextualisation, des apports factuels en annexe par exemple, ou une explication du choix des auteurs. L'occupation n'est pas un sujet sensible, aucun ne l'est, mais il est très complexe. Les questions qui traversent cette oeuvre méritent bien une BD, voire plusieurs, mais elles ne peuvent faire l'économie d'une présentation d'un contexte tragique et tortueux qui dépassent les individus, faisant se mêler toujours l'intime et le public.