Chef d'Oeuvre en attente d'approbation
Le sujet "Crossed" avait été abordé lors d'une conférence pour présenter l'essai "zombie" de Julien Bétan. Celui-ci décrivait la série comme particulièrement marquante notamment par la brutalité visuelle de certaines séquences. Il n'en fallait pas plus pour éveiller le désir de découvrir cette série.
Après de nombreuses recherches dans des librairies faisant dans l'import,quel enthousiasme de découvrir que celle-ci commençait à être édité en France.
Garth Ennis est un auteur qui en a marre, il en a marre du conformisme des auteurs de comics américains. Il en a marre que ce conformisme se soit approprié l'hyper violence, que le 11 septembre lui ait permis de s'intellectualiser, qu'on encense celui-ci...Il sait bien que les oeuvres dessinées américaines s'écartant des sentiers battus n'ont pas besoin de la violence pour se démarquer, celle-ci est intrinsèque aux comics de super-héros, mythologie intérimaire de la grande nation la plus jeune du monde.
Mais voilà, Ennis et un enfant de chez lui, s'il ne veut pas être comme n'importe quel plouc dans la cour du lycée, il est obligé d'admettre que chez lui, la brutalité, le sadisme sont de véritables passions...Mais les ploucs n'ont pas son cynisme...Il sait qu'il devra aller plus loin...
Dan "the boys", on sentait cette verve caustique de l'auteur quand les prostituées normales se retrouvaient les organes génitaux en confiture suite aux relations sexuelles avec des super, ou lorsque ces mêmes super nous laissaient découvrir que dans leurs ligues, le rituel d'initiation était purement et simplement un festif gang-bang...
Le petit Billy servait alors de pillier narratif permettant de rejeter le manichéisme originelle de la bande dessinée de super héros.
"Crossed" est autre chose, "Crossed" dont la publication débutait pourtant dés 2008 aux USA, est acerbe. Méchant. Il ne crache plus à la gueule d'une certaine culture américaine; "Crossed" nous crache à la gueule, individuellement, sur chacun des êtres interieurs que l'on cache honteusement. Ce crachat n'est pourtant pas une injure, il veut nous renvoyer notre propre image, on a l'impression d'une supplice en tournant se pages "Please, Look at you!".
L'hyper brutalité d'Ennis n'est pas seulement trivial. Dés les premières pages il annonce la couleur, l'un des infectés viole la plaie béante d'une victime en guise d'avertissement: Vous n'êtes pas dans Walking Dead, Marvel Zombie c'était la sortie d'avant, ici c'est répugnant, ici c'est la fin du monde pour de vrai, vous ne vous endormirez pas tranquille ce soir, vous ne pourrez que vous demander si ce sera vraiment tel quel.
L'auteur vient puiser dans les peur les plus sordides et viscérales de son lecteur. Il ne veut pas l'impressionner, il forcerait l'admiration, il a décidé de le choquer. Dans son malaise plus tard, le pauvre cobaye se posera les questions vers lesquelles Garth Ennis voulait l'amener.
Entre autre méthode, l'auteur met à mal l'idéal familial occidental. Il n'en écartèle pas seulement les membres un par un, abattant une figure familiale que personne n'ose toucher de peur de corrompre sa propre idée de l'innocence; mais il pourrit les sentiments de ce cercle, en inversant leur polarité, ne nous faisant plus que douter sur nous même, mais aussi sur ce que ressentent les autres de nous.
"Crossed" n'attend plus que l'approbation de la vieille Europe pour passer à la postérité, une oeuvre qui dissimule derrière son aspect rentre-dedans sa subtilité et sa puissance évocatrice, quand trop d'auteurs"indés" américains ne savent plus qu'être didactique.
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