Qu’importe au fond notre degré de connaissance de l’univers Marvel, celui-ci demeure une jungle complexe : enchevêtré et foutraque, tiraillé, consolidé puis renouvelé au fil de ses multiples rééditions, reboots et que sais-je encore, son catalogue de « supers » compose un champ des possibles frisant l’insondable.
Un labyrinthe assimilable à la psyché tortueuse, méta et malicieuse d’un Deadpool n’ayant pas son pareil pour brouiller les pistes : mais si le parallèle fait de prime abord sens, les origines de Marvel sont (supposément) gravées dans le marbre, là où celles du mercenaire défiguré sont sujettes à débat. Un débat que ce dernier alimente sans cesse d’incohérences toutes plus folles les unes que les autres, dont le mot d’ordre véritable serait en réalité une autodérision mordante à double tranchant.
One-shot de son état, Il faut soigner le soldat Wilson est, selon quelques dires, une porte d’entrée tout indiquée dans l’univers déjanté de Deadpool : ce comic-book scénarisé par Duane Swierczynski revient à ce titre en moins de cent pages sur sa genèse, de son traitement semi-foiré aux aventures de l’unité X, en passant forcément par sa folie chronique. Un tableau d’ensemble ayant donc des traits d’origin-story, mais pas tout à fait car le récit ne se pare pas seulement d’une narration sens dessus-dessous : il est nous est surtout conté par son propre protagoniste.
Avec pour scène centrale une commission d’enquête sénatoriale, le plus célèbre boute-en-train du Marvel Universe sera des plus loquaces : à tel point que, l’auteur développant différents points de vue et usant à loisir du « pouvoir méta » de son sujet, Il faut soigner le soldat Wilson a tôt fait de perdre son maigre sens initial. Brouillant avec assurance les pistes jusqu’au tomber de rideau final, ce comic-book jamais à court de souffle se veut littéralement insaisissable : au risque donc de ne pas vraiment captiver, encore que les facéties et traits d’humour de Deadpool assurent le divertissement, mais son auto-dérision à outrance et sa déformation constante de la réalité nous font dire « À quoi bon ? ».
Pas foncièrement aidé par le dessin peu soigneux de Jason Pearson, mais certainement en totale adéquation avec la grandiloquence de Deadpool, Il faut soigner le soldat Wilson se veut donc amusant à défaut d’être fascinant : s’agissant dans les faits de l’une des myriades de variation de son histoire, qui propulse ici Domino (mise en valeur), Silver Sable et Bullseye (faire-valoir transparents) à ses côtés, ce comic-book remplit son office sans éclats. Une lecture sans déplaisir en somme, quand bien même l’entièreté de son contenu serait « fausse ».