A bout de souffle
Bon bon bon bon bon…..Demon Slayer….comment aborder un tel phénomène ? Un raz de marée et un phénomène de mode aussi soudain que dévastateur dans la Pop culture Nippone et le Manga Game ??! Oui,...
le 27 janv. 2021
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Kimestu no Yaiba (KnY) est un manga de Koyoharu Gotouge, pré-publié entre 2016 et 2020 dans le Shônen Jump. On suit les aventures de Tanjiro, un jeune vendeur de charbon qui découvre que sa famille a été assassinée par un démon. Sa sœur est l’unique survivante, mais elle a été changée en cette terrifiante créature. Tanjiro commence alors son voyage afin de trouver un moyen de guérir sa sœur en devenant pourfendeur de démon. La suite de cette critique va spoiler ouvertement le manga. Si vous ne l’avez pas lu, arrêtez de lire si vous souhaitez garder les surprises intactes.
Si la forme est celle d’un shônen nekketsu assez classique (entendez par là que vous aurez votre dose combat.), Gotouge profite de son œuvre pour développer un propos assez intime sur son rapport aux autres. Car oui, KnY est une œuvre intimiste et la première chose qui le marque, c’est la représentation de la géopolitique ou plutôt son absence tout au long de l’œuvre.
Si dans Naruto, One Piece ou Bleach, les auteurs s’amusent à étendre leurs univers pour accentuer leur propos sur la société, diversifier les environnements ou les rencontres, KnY fait le choix strictement inverse. Les environnements se limiteront à ce que le Japon peut offrir (forêt, montagne, village typique), mais surtout l’oeuvre décidera de s’exclure de toute sphère sociale. Ce choix permet de se concentrer non seulement sur les rapports entre les personnages, mais sur les oppositions philosophiques entre Muzan et les Pourfendeurs. Les pourfendeurs sont des êtres inexistants socialement, qui au même titre que les démons, ne sont rien de plus que des mythes, des histoires du passé. Ce propos est encore plus fort quand on sait que l’oeuvre se déroule durant l’ère Taishõ, c’est à dire juste après l’ère Meiji où l’appartenance au monde moderne a été consommé et que les samurais n’est plus qu’une figure emblématique.
Nous assistons donc au conflit entre deux sociétés crépusculaire, dans leur propre microcosme qui n’ont plus leur place dans ce monde présent. D’ailleurs, la fin des démons signifierait simplement la fin des pourfendeurs. Ils agissent dans l’objectif de faire disparaître leur société, leur victoire signifiant leur disparition. On pourrait d’ailleurs y voir un propos sur l’abandon progressif au Japon de son folklore (les démons aussi appelés « Oni ») et de ses traditions (« les samourais »). Un autre élément similaire est la manière dont les lunes ou les pourfendeurs sont recrutés par leur camp respectif. Ceux sont des êtres abandonnés par les autres, sans lien social, sans position et à travers l’histoire, on remarquera que Muzan et Oyakata, le maître des pourfendeurs, arrivent à des moments similaires de la vie de leurs recrues, un moment où ils ont tout perdu.
Mais une opposition peut être avancée entre les démons qui représenteraient l’individualisme et les pourfendeurs, la solidarité. En effet, les démons sont par essence des êtres solitaires, ils sont incapables d’agir en groupe de manière volontaire (les démons qui suivent Rui le sont sous la contrainte.) et ce, car Muzan veut éviter toute coopération entre eux. Tous les démons se battront seuls tandis que les pourfendeurs affronteront ces lunes ensembles et c’est seulement ensemble qu’ils pourront vaincre.
Et ce qui est intéressant de constater, c’est que les démons semblent bien plus adaptable au monde moderne de l’ère Taisho que les pourfendeurs. Tanjiro est déboussolé quand il arrive à Tokyo tandis que Muzan arrive parfaitement à se fondre parmi les humains tout comme Tamayo, Dôma, Giyuu et Ume. Inosuke (représentation de l’attachement à la nature) qui entre en opposition face au train tandis que les démons s’en servent pour atteindre leur objectif. Ou encore la difficulté pour Tanjiro, Zenitsu ou Inosuke de se faufiler dans le quartier des plaisirs tandis qu'Ume est capable de s’y fondre naturellement. De la même manière, les démons deviennent naturellement des leaders au sein de la société humaine : Dôma est chef de culte tandis qu’Ume est l’Ohran la plus puissante du quartier des plaisirs.
Pire, les humains modernes semblent accepter le parasitisme inhérent aux démons en continuant à vivre normalement tandis que la mort est autour d’eux. Muzan l’exprime d’ailleurs clairement « Je suis une calamité naturelle, la plupart des humains continuent de vivre normalement après m’avoir rencontré tandis que vous, vous cherchez la vengeance ».
Face à cet individualisme repose sur le concept de solidarité porté par les pourfendeurs. Comme dit précédemment, les pourfendeurs sont des êtres qui ont tout perdu, mais qui ont recrée des liens au sein d’une nouvelle société. Ceux sont ces nouveaux liens qui les motivent à continuer, contrairement aux démons qui se sont enfermés dans leur solitude, rejetant la compagnie de leur semblable. Ce besoin des autres pour avancer est même clairement apparent dans l’opposition entre Oyakata et Muzan. L’un est faible et incapable de se battre, et est donc naturellement dépendant des pourfendeurs pour accomplir son objectif. Il est même à l’opposé des clichés du shônens où le leader d’un groupe est généralement dotée d’une puissance cachée. Oyakata ne doit donc pas sa place de chef à la puissance brute, mais pour son implication dans le collectif. On a même une désacralisation de la figure du chef, sa mort ne changeant strictement rien. Il est un pion parmi d’autres. A contrario, Muzan est bel et bien le plus puissant des démons et c’est bien sa capacité à dominer, punir, tuer l’opposition qui fait de lui le chef, malgré le fait que les démons n’aient ni confiance, ni spécialement de respect pour lui. De plus, la survie des démons est étroitement liée à la survie de Muzan.
Cette pensée solidaire est même à la limite de la pensée kamikaze, car les piliers abandonnent toute considération individuelle pour se fondre dans un collectif quitte à perdre la vie. Les démons quant à eux sont désespérément attachés à leur survie. Muzan en est l’incarnation la plus profonde, allant jusqu’à se transformer en bébé difforme afin de tenter de survivre, virant au pathétique. Akaza, Kokushibou continuent également le combat, malgré leur mort prochaine tandis que les piliers acceptent le sacrifice pour permettre la victoire de leur cause. (Tokito, Rengoku etc.)
Parallèlement à cette solidarité, l’œuvre prend le temps de développer tout un propos sur l’héritage et le passé. Si les piliers s’abandonnent en tant qu’individu, c’est tout autant pour leur camarade présent, mais également pour leur camarade futur. Rengoku le montre très bien. Élément parmi les plus forts des piliers, il accepte de se sacrifier afin de protéger des bleus. C’est le rôle du fort de protéger les faibles afin de leur permettre de devenir plus fort encore.
Leur immortalité vient de la succession de leur volonté, de leur art, de leurs techniques tandis que la volonté d’immortalité des démons vient de leur capacité à s’adapter eux en tant qu’individu. On le voit très bien également dans l’opposition entre Yorichii et son frère Kokushibou. La danse du Feu s’est héritée de génération en génération et a résisté aux affres du temps tandis que les techniques de Kokushibou disparaîtront avec sa mort.
Et c’est la succession de générations de piliers qui permettent finalement d’arriver à la génération qui sera à même de vaincre Muzan tandis que les démons se concentrent sur le perfectionnement d’eux même en tant qu’individu afin de survivre. (Akaza, Kokushibou etc.)
Malgré ces oppositions, la grande force du manga est de ne jamais déshumaniser les démons. Les démons sont affreusement humains dans leur obsession. Rui conserve son obsession de former une famille, Daki une obsession sur le fait de sortir de la misère, Kokushibou une obsession vis-à-vis de surpasser son frère, Akaza une obsession vis-à-vis de devenir plus fort, etc. Ce qui selon moi les distingue des pourfendeurs, c’est leur rapport au passé.
Là où les pourfendeurs se servent de leur passé pour les motiver à avancer ou à vouloir protéger les autres afin qu’ils ne vivent pas les mêmes choses, les démons sont privés de ce passé. C’est seulement au moment de leur mort qu’ils récupèrent la faculté de se remémorer et qui les fait redevenir finalement humain (perdant leurs traits de démons.) Même les démons qui ont la capacité de se souvenir (Kokushibou en particulier), ont une vision déformée de ce passé, remplis de haine et de rancœur alors que quand on assiste aux mêmes scènes sous la prise de Yorichii, on y voit des moments de joies et d’amour.
Le manga semble donc nous dire que ceux sont nos liens avec les autres, passés, présent ou futur (notre héritage) qui nous séparent de notre part de démoniaque et qui nous poussent vers une plus grande humanité.
Ceci n’est qu’une interprétation personnelle de l’oeuvre évidemment et qui est selon moi profondément crépusculaire tant le monde dans lequel évolue la descendance de Tanjiro paraît idyllique. Comme si, dans notre monde, les démons et l’individualisme avaient finalement gagné.
KnY est donc une œuvre bien plus profonde qu’elle n’y paraît au premier abord et qui sans être excellente dû à des problèmes de rythmes, de développement, possède une âme, un vrai propos sur le monde qui l’entoure.
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Créée
le 19 févr. 2022
Critique lue 95 fois
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