Si vous ne savez pas quoi lire en août, jetez un œil à Descender ! Adaptée prochainement en film, ce comics nous propose de partir à la recherche d'un robot-enfant dont l'existence menacerait la survie d'une humanité déjà bien mise à mal il y a quelques années par... des robots !
Mais pourquoi sont-ils aussi méchants ?
L'avenir n'est pas souvent joyeux dans les récits de science-fiction. Si nous avons la tête dans les étoiles, ce que nous voyons est loin de rassurer : des planètes majeures ont réussi à établir une coopération entre elles à travers le Conglomérat Galactique Unifié (CGU) mais cela n'éradique pas les menaces venues d'ailleurs. Un ailleurs mal identifié mais à qui un nom a été donné : les Moissonneurs. Des robots gigantesques – de la taille d'une planète – qui moissonnent en détruisant les formes de vie humaines. Chose curieuse, ils n'iront pas jusqu'à un génocide complet et disparaîtront comme ils étaient venus.
Il reste alors aux survivants à reconstruire, essayer de comprendre ce qui s'est passé et... se venger. En effet la haine envers les machines va se déployer à travers des "botgroms" (un nouveau génocide...) ; des chasseurs de primes se mettront à la poursuite des androïdes... en somme il ne fait pas bon être composé de circuits intégrés. Dans ce monde incertain, un robot (TIM-21) va s'éveiller, sur une planète minière, après un long sommeil. TIM est un robot-enfant de compagnie qui vivait chez les Travers, une famille monoparentale (à première vue) où la mère travaillait pour la mine, TIM tenant compagnie à Andy. Á son contact, TIM va faire évoluer ses programmes (pas besoin d'une intervention extérieure comme dans Je suis Shingo) pour devenir plus humain et considérer Andy comme son "frère". Suite à une fuite de gaz, TIM a été laissé sur la planète, les humains sont partis ou sont morts. Il ne sait pas ce qu'est devenu Andy. Plus grave encore, une prédiction arrive du côté du CGU qui prévoit que TIM-21 sera derrière le retour des Moissonneurs. Le branle-bas de combat est alors de mise car tout le monde ou presque veut mettre la main sur ce robot qui, en plus, rêverait...
In TIM-21 we trust!
Voilà donc un space opera nourri de références (Asimov, la Guerre des Étoiles...), qui développe progressivement son univers au fur et à mesure que les différents théâtres d'opérations et lignes de force de l'intrigue apparaissent. La récupération de TIM par le CGU occupe la première partie des trois tomes, la suite voyant l'équipe de récupération connaître quelques difficultés et rejoindre plus ou moins volontairement la résistance robotique quand le troisième tome fait peu avancer l'intrigue, ses chapitres étant consacrés au passé de différents robots et personnages – éclairages qui permettent ainsi de faire la lumière sur différents éléments de l'intrigue de manière efficace mais un poil frustrante pour le lecteur pressé de connaître la suite.
Récemment La Planète des singes : Suprématie questionnait, entre autres choses, l'humanité qui semblait échapper aux hommes alors qu'en face leurs "adversaires" semblaient au contraire en gagner (notamment à travers le personnage de César). Se servir de l'autre pour critiquer ce que nous sommes et questionner des évidences (l'humanité n'a pas le monopole de l'empathie, des sentiments, du langage...) est un procédé simple et efficace et on le retrouve dans Descender. Les robots ne sont pas des calculateurs sur pattes, du moins pas ceux qui occupent le haut de l'affiche. Leurs limites, les émotions que l'on peut lire et percevoir, ce qu'ils subissent en font des révélateurs de la double-face des hommes (mensonges et autres arrangements avec la vérité, colère, botgroms...), à la fois ange et bête.
Qu'est-ce qu'être humain ?
L'intrigue et les éclairages portés sur les personnages permettent ainsi de faire réfléchir sur des domaines aussi variés que la recherche de la puissance, la religion, la quête de sens, les liens unissant des êtres (de chair ou non), la condition robotique et celle des hommes avec, en miroir, la nôtre (qui trouve bien des échos dans celle des robots). Descender est comme un origami que l'on déplierait un peu plus à chaque tome. Certes on pourra deviner ici et là certains points de l'intrigue et la rupture dans l'avancée du récit avec le troisième tome ne passera pas forcément chez tout le monde mais il n'empêche que Jeff Lemire livre une histoire séduisante en plus d'être agréable à lire.
En effet, le travail de dessin et de couleurs réalisé par Dustin Nguyen bonifie le récit. Le rendu mêle dessins crayonnés et peintures ce qui donne au récit un rendu visuel que l'on ne rencontre pas tous les jours en plus d'offrir des variations entre le rendu des robots et des hommes voire entre ces derniers (le Dr Quon a ainsi parfois un rendu plus brut que Telsa). Le jeu sur les couleurs se retrouve dans la caractérisation des personnages, de leurs émotions, des atmosphères où ils évoluent, du temps où les scènes se déroulent sans oublier les oppositions que l'on peut voir... En somme Descender est le fruit d'un duo dont la complémentarité frappe.
En attendant l'heure des moissons...
Avec ses trois tomes (soit 16 chapitres) parus pour le moment, Descender se signale comme une série à suivre dans l'univers des comics en particulier et de la science-fiction en général. Développant une intrigue prenante – et qui monte en régime au fil des pages – en même temps que de l'empathie pour les robots et personnages que l'on voit, la série propose des personnages qui deviennent iconiques tout en ayant une part d'ombre et de lumière qui participe au même titre que le graphisme à un véritable plaisir de lecture.
Critique un peu plus longue et illustrée à retrouver par là.