Aux dernières nouvelles il semblerait que l'éditeur Soleil Manga, détendeur de la licence méconnue « Dorohedoro » en France, serait en train de planifier une "réédition". La situation ayant rarement été favorable à l'expansion de cette série dans nos vertes contrées, quand on la voit se débloquer et s'inverser en la faveur des fans, et des potentiels lecteurs, on ne peut qu'avoir la joie au cœur.
Déjà, un personnage qui s'appelle Caïman, je trouve ça classe. Si il a une tête de croco et qu'il est japonais, c'est encore moins commun, mais c'est toujours classe. Mais il faut voir la gueule des autres givrés à capuche ; qu'ils habitent le domaine d'Hole ou dans un autre monde illuminé, tout aussi ravagé et psychotique.
L'auteur Q. Hayashida, dont on ne sait pas grand chose, nous a confectionné une bande dessinée unique en son genre, dont la recette serait difficilement applicable si elle était utilisée par n'importe qui. L'univers de cette ville poubelle et underground rappel assez certaines références du post-apocalyptique, Blame ! pour n'en citer qu'un. J'ai lâché le mot "poubelle", mais vous vous imaginez bien que celui-ci a un sens, et c'est peu de le dire, puisque les planches crayonnées semblent sales et brouillonnes, mais elles ne font que renforcer une fureur ambiante qui témoigne de la volonté d'Hayashida de vouloir bâtir cette ambiance si particulière, d'en appuyer les reliefs et d'en souligner les contrastes qui se doivent d'être frappants. En un trait comme en mille. De ce fait, on ne peut pas douter de son talent à le faire ; il justifie ses multiples partis pris, mélangeant l'absurde au fantastico-gore.
Caïman n'a pas une haleine de chacal - pour cela il faudrait qu'il en mange un - mais il réussit à nous tenir en haleine. Parce que des oeuvres de cet acabit ne courent pas les rues. Faisant mine de ne pas déconner tout en l'étant éperdument, Dorohedoro est aussi et surtout doté d'une montagne de détails qui ne faiblit jamais, et les énormes qualités narratives ne sont pas non plus étrangères, celles-ci se déploient au travers d'une histoire mature, sombre, souvent grotesque et à l'humour spécial.
Monstrueusement cool.